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A Real Pain : les stars de Succession et The Social Network vous embarquent pour un aller simple vers l'émotion

© Searchlight Pictures

Deuxième long métrage réalisé par Jesse Eisenberg, "A Real Pain" est une comédie dramatique simple, drôle et émouvante, qui doit beaucoup au duo formé par le metteur en scène et Kieran Culkin.

Ça parle de quoi ?

Deux cousins aux caractères diamétralement opposés - David et Benji - se retrouvent à l'occasion d'un voyage en Pologne afin d'honorer la mémoire de leur grand-mère bien-aimée. Leur odyssée va prendre une tournure inattendue lorsque les vieilles tensions de ce duo improbable vont refaire surface avec, en toile de fond, l'histoire de leur famille...

Simple secrets

Nous aurions tort de réduire Jesse Eisenberg aux personnages qu'il joue régulièrement, nerveux et dotés d'un débit de parole digne des connexions internet les plus rapides. L'interprète de Mark Zuckerberg dans The Social Network l'est bien évidemment, car il n'y a pas de fumée sans feu, mais il est également dramaturge et, depuis peu, réalisateur.

Moins de trois ans après When You Finish Saving the World, passé par la Semaine de la Critique de Cannes et le Festival de Deauville mais pas par nos salles, voici A Real Pain, son deuxième long métrage en tant que réalisateur. Une autre comédie dramatique dans laquelle il évolue également devant la caméra, le temps d'une histoire de famille qui suit deux cousins partis sur les traces de leur grand-mère décédée, en Pologne.

Sur le papier, rien de bien nouveau, et A Real Pain ne prétend pas réinventer la roue sur ce plan. Entre les deux personnages principaux que tout oppose en matière de caractère (l'un est un grand angoissé qui a besoin de tout planifier, l'autre est plus sociable et se laisse porter par l'instant présent, on vous laisse deviner qui Jesse Eisenberg incarne), l'apparente modestie du projet et le mélange d'humour et d'émotion qu'il nous propose, tout laisse penser que nous sommes sur le chemin balisé d'un pur film indépendant américain.

Faire un film sur l'histoire de l'Holocauste d'une manière que je n'avais jamais vue Il l'est, bien sûr, et le logo de Searchlight Pictures (branche indépendante de la 20th Century Studios) nous l'annonce d'emblée. Mais, à l'image de son réalisateur, il se révèle plus riche qu'on ne le pense, en plus d'être très juste, tant dans les tons avec lesquels il jongle que la sincérité avec laquelle il raconte son histoire. Sans doute parce qu'elle a quelque chose de personnel pour Jesse Eisenberg, nommé pour l'Oscar du Meilleur Scénario Original : "Le projet a commencé il y a - mon Dieu - 16 ans. En 2008", nous dit celui qui a remporté le BAFTA dans la même catégorie.

"Ma femme et moi sommes allés en voyage en Pologne, car nous voulions voir d'où venait ma famille, en sachant que la sienne est également originaire de Pologne. Nous sommes tous les deux des Juifs américains et, en grandissant, j'ai entendu toutes ces histoires sur le communisme, les files d'attente pour le pain, la misère, les bâtiments gris et, bien sûr, l'Holocauste. Mais quand j'y suis allé, j'ai découvert un pays d'Europe centrale magnifique et dynamique. J'ai toujours pensé que ce serait bien de tourner un film là-bas et de montrer la Pologne que j'ai vue, qui était vraiment belle et chaleureuse à mes yeux, où les gens que j'y ai rencontrés étaient adorables."

"Je voulais faire un film sur l'histoire de l'Holocauste, mais d'une manière que je n'avais jamais vue auparavant, en montrant la Pologne comme un pays magnifique, avec des personnages drôles, des personnages qui fument de l'herbe parce qu'ils sont bouleversés par ce qu'ils ont vu dans le camp. Un film comme je n'en avais jamais vraiment vu auparavant, qui ne soit pas moralisateur ou prétentieux, qui ressemble à un film sur l'Holocauste mais qui semble réel, sur des personnes réelles, pas des héros."

Le film sorti dans nos salles le 26 février a pourtant mis plus d'une décennie à voir le jour. Jesse Eisenberg a d'abord tiré une pièce de théâtre de son voyage, "The Revisionist", dans laquelle un homme joué par ses soins rend visite à une cousine polonaise plus âgée, survivante de l'Holocauste et incarnée par Vanessa Redgrave. Malgré le succès, sa transposition sur grand écran ne parvient pas à voir le jour, et il trouve une autre manière de raconter cette histoire, inspiré par une publicité "fortuite et déprimante" qui proposait des "visites de l'Holocauste (avec déjeuner)", comme il le dit dans le dossier de presse.

Et c'est ainsi qu'il nous emmène au Pologne aux côtés de deux cousins. Le premier, David, est joué par Jesse Eisenberg lui-même (qui a cédé aux suggestions de ses producteurs et accepté, en profitant du succès de la série Anatomie d'un divorce pour obtenir un budget légèrement plus haut que prévu), le second par Kieran Culkin. Qui, grâce à Succession, n'est plus simplement le frère de Macaulay, mais le lauréat de deux Emmy Awards, d'un Golden Globe et d'un BAFTA, et le favori pour l'Oscar du Meilleur Acteur dans un Second Rôle.

Un jeune homme extrêmement volubile et sociable, qui cache une vraie souffrance, comme l'apparition du titre A Real Pain à côté de son visage le sous-entend dès le début du film, avant que la suite ne nous le confirme. Et c'est aussi pour cette raison que le long métrage nous touche en plein coeur : car le comédien a mis beaucoup de lui-même en Benjamin. "Kieran est un acteur brillant, mais pas que", nous dit Jesse Eisenberg à son sujet. "Il est très drôle et plein d'esprit, mais pas comme je le suis moi : je suis drôle car j'essaye de penser à des blagues, mais Kieran n'a qu'à monter sur scène et se mettre à parler, car c'est quelqu'un de naturellement drôle. Il est spontané, mais pas moi."

Kieran est drôle mais il souffre, il a des problèmes et a eu une vie difficile, et on peut voir tout cela dans ses yeux "Mais il a aussi eu une vie étrange, marquée par beaucoup de tragédies. Il est drôle mais il souffre, il a des problèmes et a eu une vie difficile, et on peut voir tout cela dans ses yeux. Beaucoup d'acteurs sont aussi dans le même cas, mais on ne le voit pas, ils ne sont tout simplement pas capables de le représenter. Kieran peut, en une seconde, être vraiment drôle et triste en même temps. Il est tellement charmant que même quand il fait des choses méchantes ou qu'il crie sur des gens, on n'a pas envie de le frapper mais de le serrer dans nos bras pour qu'il arrête. C'est un joyau."

Un joyau avec qui il n'a eu aucun mal à trouver cet équilibre entre légèreté et gravité, qui est au coeur de chacun des projets de Jesse Eisenberg : "Toutes mes pièces ont le même ton, à la fois drôle et dramatique. Kieran est un acteur intelligent et il l'a tout de suite compris. Je n'ai JAMAIS eu besoin de lui dire que ce qu'il faisait était trop drôle ou trop dramatique, car tout était très bon. Il savait exactement quoi faire et sans la moindre prétention. Dans une scène, je lui ai dit que je voulais qu'il soit plus émotif, mais il m'a répondu que ça ne lui semblait pas juste donc je lui ai fait confiance, et il a été génial. Si j'avais engagé un comique, ça aurait été mauvais, car il aurait été drôle mais pas vrai."

Si A Real Pain vous offre cet aller simple pour l'émotion, ça n'est pas donc pas seulement grâce à ses qualités d'écriture, de mise en scène et d'interprétation. Mais également parce que ses deux acteurs principaux y ont mis beaucoup d'eux-mêmes, sans trop en faire, et qu'ils parviennent à nous faire rire puis nous émouvoir d'une seconde sur l'autre.

Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 28 janvier 2025

publié le 26 février, Maximilien Pierrette, Allociné

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