Austin Butler pris au piège : quel film méconnu de Scorsese a inspiré le nouveau thriller de Darren Aronofsky ?
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Deux ans après le très sombre "The Whale", Darren Aronofsky est de retour au cinéma avec "Pris au piège - Caught Stealing", thriller plus amusant et moins radical porté par Austin Butler, grandement influencé par "After Hours" de Martin Scorsese.
© Sony Pictures Releasing France
ÇA PARLE DE QUOI ?
Hank Thompson a été un joueur de baseball prodige au lycée, mais désormais il ne peut plus jouer. À part ça, tout va bien. Il sort avec une fille géniale, il est barman la nuit dans un bar miteux à New York, et son équipe préférée, donnée perdante, est en train de réaliser une improbable remontée vers le titre. Quand Russ, son voisin punk lui demande de s'occuper de son chat pendant quelques jours, Hank ignore qu'il va se retrouver pris au milieu d'une bande hétéroclite de redoutables gangsters. Les voilà tous après Hank, et lui ne sait même pas pourquoi. En tentant d'échapper à leurs griffes, Hank doit mobiliser toute son énergie et rester en vie assez longtemps pour comprendre.
Retour à Brooklyn
A notre micro, lors de son passage à Paris, Darren Aronofsky affirme ne pas considérer Pris au piège - Caught Stealing comme une récréation après les très sombres Mother ! et The Whale, tout comme il dit ne pas faire partie de ces réalisateurs qui abordent chaque nouveau long métrage en réaction au précédent. "Je me suis juste demandé quel serait le projet le plus amusant à faire et ce qui serait le plus divertissant pour le public", nous dit le cinéaste, de retour dans la capitale quelques mois après avoir accompagné la ressortie de Requiem for a Dream.
"Il y a tellement de distractions pour eux aujourd'hui qu'il faut, en quelque sorte, donner aux spectateurs ce qu'ils ont envie de voir. Je pense qu'il n'y a pas de mal à procéder ainsi, et l'envie de faire ce film est aussi née de ce que je regardais et voulais voir au moment où il s'est présenté : à un moment où je m'intéressais aux films de genre bien faits. Je me suis alors demandait quel mal il y aurait à vouloir amuser le public." Nous n'irons peut-être pas jusqu'à parler de comédie ici, mais il est vrai que l'on s'amuse parfois (surtout avec les personnages joués par Liev Schreiber et Vincent D'Onofrio), dans ce thriller en forme de spirale infernale qui suit le schéma de l'homme au mauvais endroit au mauvais moment.
Soit Hank Thompson (Austin Butler), barman new-yorkais qu'une grave blessure a détourné d'une carrière dans le base-ball, sport dans lequel il était un prodige au lycée, et qui ne se doute pas une seconde de ce qui l'attend lorsqu'il accepte de garder le chat de son voisin Russ (Matt Smith), punk aussi haut en couleur que la crête qu'il arbore. Débute ainsi, pour le héros, une longue course rythmée par les rencontres improbables qu'il fait et les coups qu'il prend (les deux étant souvent liés) dans le New York de 1998, année de sortie de Pi, premier long métrage de Darren Aronofsky.
Au-delà de la notion d'amusement qu'elle lui offrait, cette adaptation du roman de Charlie Huston (qui a lui-même signé le scénario) lui a-t-elle plu car elle lui permettait de revenir aux sources, vers l'année de ses débuts et sa ville natale qu'il a déjà filmée par le passé ? "J'ai toujours voulu rédiger une lettre d'amour à New York, car je n'avais jamais pu faire de film qui se déroule intégralement dans ses rues. Certaines scène de Pi ou Black Swan s'y déroulaient, mais celui-ci y est entièrement consacré."
"J'ai toujours voulu rédiger une lettre d'amour à New York"
Une lettre d'amour envers New York donc, mais également les cinéastes qui l'ont magnifiée : "J'aime les films de Sidney Lumet, French Connection, After Hours ou encore Les Pirates du métro... Tous ces films qui ont compté pendant ma jeunesse de new-yorkais ayant grandi dans cette ville. Ce qui m'a notamment marqué dans French Connection, et dont nous avons discuté avec mon équipe, c'est cette façon dont William Friedkin est parvenu à insuffler un peu d'humour au milieu des scènes d'action qui sont magnifiques. Et avec tous les jouets dont on dispose aujourd'hui, on ne peut plus faire de films comme celui-ci (rires)"
Si l'influence de French Connection sur Pris au piège est visible, celle d'After Hours est encore plus frappante : parce que le scénario plonge également un homme normal dans un engrenage qui le dépasse, et parce qu'on retrouve Griffin Dunne dans les films de Martin Scorsese et Darren Aronofsky, où il joue un personnage appelé Paul à chaque fois. "Ni lui ni moi ne nous rappelions qu'il portait le même prénom dans les deux films", nous dit le metteur en scène en riant. "C'est une pure coïncidence, mais j'aime cette idée que le Paul d'After Hours a quitté son boulot et ouvert un bar dans l'East Village pour devenir celui de mon film."
Sorti dans nos salles le 16 mai 1986, tout juste auréolé d'un Prix de la Mise en Scène reçu à Cannes, After Hours se place, aux côtés de La Valse des pantins et La Couleur de l'argent qui l'encadrent, entre des projets d'envergure tels que New York, New York et La Dernière tentation du Christ dans la carrière de Martin Scorsese, et il raconte la folle nuit d'un informaticien employé dans une banque, qu'un rendez-vous galant va mener de mésaventure en mésaventure. Comme le Hank Thompson de Pris au piège, dont la course est plus longue et un peu plus violente encore.
"After Hours a eu une influence énorme sur moi", nous dit Darren Aronofsky. "Je l'ai regardé tellement de fois ! En VHS pour commencer. Il est aujourd'hui plus reconnu alors qu'il a longtemps fait partie des films méconnus ou oubliés de Martin Scorsese. Je voulais d'ailleurs emmener mon casting de mother ! le voir pendant que nous tournions, et je n'avais pas réussi à trouver une copie car il n'y en avait plus. J'ai donc tenté de joindre Scorsese lui-même, qui possédait une copie et nous a laissé la regarder dans sa propre salle de projection."
"After Hours connaît un regain d'intérêt et d'amour aujourd'hui"
"Et j'ai eu l'impression de voir un tout nouveau film, car je ne connaissais que la version pourrie de ma VHS, dans laquelle il manquait des éléments sonores et même des morceaux de la bande-originale. J'ai eu le sentiment de redécouvrir qu'un grand film était encore plus grand que je ne le pensais. Quand j'en parlais il y a encore quelques années, personne ne semblait le connaître, mais il connaît un regain d'intérêt et d'amour aujourd'hui, je trouve ça génial." Un amour qu'il partage notamment avec Austin Butler, interprète d'un héros "à la Hitchcock, un personnage normal plongé dans une situation extrême" qui en parle comme l'un de ses films préférés.
Parce que le hasard fait parfois bien les choses, After Hours était le neuvième long métrage de fiction réalisé par Martin Scorsese, comme l'est aujourd'hui Pris au piège - Caught Stealing dans la carrière de Darren Aronofsky. Qui atteint son but de (bien) mélanger action, thriller et humour, et de rendre hommage à l'un de ses films fétiches. Et si le titre a longtemps fait partie des opus mineurs de l'auteur de Taxi Driver, dire de ce film-ci qu'il s'agit du After Hours du réalisateur de Requiem for a Dream est un très beau compliment doublé d'un espoir de le voir vieillir aussi bien.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 21 août 2025
publié le 27 août, Maximilien Pierrette, Allociné