C'est l'un des personnages les plus énigmatiques de l'Histoire du cinéma, mais tout le monde a oublié ce film sorti dans les années 2000

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John Malkovich a joué dans une suite du "Talentueux M. Ripley", une version que le critique Roger Ebert a adoré mais dont peu de gens en ont entendu parlé...
Le charismatique criminel Tom Ripley est passé des romans de Patricia Highsmith au grand écran à plusieurs reprises. Nombre de ces versions sont devenues des œuvres cinématographiques mondialement connues, qu'il s'agisse du tragiquement sensuel Talentueux M. Ripley ou de l'étrangement effrayant L'Ami américain, qui ont entraîné le personnage dans des directions radicalement différentes. Mais il existe une version qui n'a pas rencontré un grand succès à sa sortie en 2002 : Ripley's Game dans laquelle John Malkovich incarne Ripley dans une performance que le célèbre journaliste et critique de cinéma Roger Ebert a qualifiée de représentation la plus aboutie du personnage.
De quoi ça parle ?
Vingt ans après ses débuts dans le milieu du crime, Tom Ripley, devenu vendeur d'œuvres d'art, mène une vie paisible dans une majestueuse villa en Italie lorsque son passé refait surface brutalement. Après s'être enfui avec un lucratif butin, Ripley est interpellé par son complice hypocrite, Reeves (Ray Winstone), qui a besoin de lui pour s'occuper des mafieux qui le traquent. Une mission facile pour Ripley qui décide pourtant de confier cette tâche à un voisin agaçant nommé Trevanny (Dougray Scott), sachant que ce dernier acceptera un gros chèque car il est en phase terminale et doit prendre soin de sa famille après sa mort. La série d'assassinats devrait être assez simple, d'autant plus que Trevanny accepte à contrecœur. Pourtant, même un génie du crime comme Tom Ripley ne peut prédire comment les dominos vont tomber dans ce thriller au ton sinueux.
Ce qui distingue cette version de Ripley de toutes les autres versions cinématographiques (y compris la mini-série Ripley avec Andrew Scott), c'est que le Ripley de Malkovich est posé et satisfait de sa vie, relativement dénué d'ambition. Il est marié à une musicienne nommée Luisa (Chiara Caselli), il a complètement rompu avec toute activité criminelle et aime vivre dans un relatif anonymat. Ripley a tendance à être un arnaqueur invétéré, un requin qui meurt s'il arrête de nager, mais le fait de le placer dans cette phase de sa vie met en valeur les atouts de Malkovich. Comme le précise Collider, sa diction légendaire traduit notamment parfaitement le profond dégoût du personnage envers les personnes qu'il rencontre - un talent parfois utilisé à des fins comiques grâce au ton amèrement humoristique qu'il donne au personnage.
Roger Ebert a proclamé John Malkovich comme le meilleur Ripley
Malgré sa faible diffusion à sa sortie, Ebert a défendu le long métrage en lui attribuant quatre étoiles et en le qualifiant de meilleur film de Ripley. Il a expliqué que cela était principalement dû à la façon dont Malkovich a dépouillé le personnage de presque toute humanité authentique, la plupart de ses actions publiques étant calculées et mécaniques sur le plan mental et émotionnel : c'est précisément cet aspect de sa performance qui, selon Roger Ebert, est le plus marquant et qui le place au-dessus de tous les autres Ripley. Ainsi, tout comme les critiques ont affirmé que la version de James Bond de Daniel Craig était la plus proche des romans originaux d'Ian Fleming, Ebert a estimé que Malkovich était celui qui se rapprochait le plus du Tom Ripley des romans originaux de Patricia Highsmith.
Autrement dit, le fait qu'il n'ait pas le charisme juvénile de Matt Damon, le sex-appeal d'Alain Delon ou le regard impassible d'Andrew Scott étaient pour lui des omissions conscientes qui réduisaient Ripley à son essence profonde : un monstre ayant transcendé sa propre humanité, assoiffé de luxe et dénué de tout respect pour autrui. Et c'est la preuve du charme énigmatique de John Malkovich également. Loin d'être empathique, Ripley était là le sociopathe fascinant par excellence, celui qu'on adore détester.
Pour pouvoir découvrir Ripley's Game, il va falloir se tourner vers les éditions Blu-ray et DVD.
publié le 15 mars, Aude Mackau, Allociné