"C'est le film le plus dur que j'ai jamais eu à faire" : énorme échec au cinéma, ce chef-d'oeuvre sorti il y a 44 ans est pourtant devenu culte

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Sorti en 1981 dans une indifférence totale, ne parvenant même pas à récolter 3 millions de dollars au box office, "Sans retour" est pourtant un sommet de la carrière du réalisateur Walter Hill. Un pur chef-d'oeuvre du survival, brutal et viscéral.
"D'une certaine manière, c'est une sorte de retour en arrière. Je travaille encore un peu. Mais en réalité, je pense que je suis arrivé 20 ou 30 ans trop tard. J'aurai été très heureux d'être un réalisateur sous contrat pour faire des films d'action".
C'est en ces termes touchants, pleins de sincérité et de lucidité, que Walter Hill s'exprime dans une interview accordée en 2024, à la faveur de la récente parution en support physique d'un pur chef-d'oeuvre de sa filmographie, hélas bien trop méconnu, du moins par le grand public : Sans retour.
Scénariste pour le grand Sam Peckinpah (Guet-Apens), scénariste et producteur d'Alien de Ridley Scott, Walter Hill est l'un des cinéastes américains marquants de la décennie des années 1970-1980, même si sa carrière a été inégale et en dents de scie.
C'est à lui que l'on doit le film culte Les Guerriers de la nuit; l'excellent Driver qui aura une profonde influence sur Nicolas Winding Refn et son Drive. Ou le très solide Extrême préjudice avec Nick Nolte, qui sera également la tête d'affiche de 48h aux côtés d'Eddie Murphy. Enorme succès en salle qui aura une suite, ce film redéfinira le sous-genre du Buddy Movie.
Une pépite dans la lignée de Délivrance
En 1981, il signe donc Sans Retour, un incroyable et brutal film de Survival dans la lignée de Délivrance, tourné en plein bayou de la Louisiane. L'histoire ? Elle se déroule en 1973. Cette année-là, neuf membres de la Garde Nationale de Louisiane participent à un exercice militaire dans les marécages, et volent des barques aux cajuns pour rejoindre plus rapidement leur point de ralliement.
Par provocation, un des soldats tire à blanc sur un habitant des marais, mais les cajuns ripostent avec de vraies munitions et tuent le plus haut gradé. Pris en chasse, les soldats tentent de s'échapper à travers des marécages qu'ils ne connaissent pas, et avec bien peu de moyens pour se défendre...
"Je crois qu'il y a eu un reportage sur un scandale au sein de la Garde Nationale. On a décidé de partir de là; des ratés perdus au pays cajun, un jeu du chat et de la souris. On a engagé le scénariste Michael Kane, qui a écrit une première ébauche, puis il est parti faire autre chose. David Giler et moi avons réécrit le script" raconte Hill.
Il réunit un fabuleux casting au service de son film. Keith Carradine, d'abord, qu'il retrouve après leur précédente collaboration, Le Gang des frères James. Il est épaulé par Peter Coyote, Sonny Landham (le futur Billy Sole de Predator !), Brion James, qui sera un an plus tard un des replicants de Blade Runner.
L'impeccable Fred Ward, qui avait percé deux ans plus tôt aux côtés de Clint Eastwood dans L'évadé d'Alcatraz. Et, bien entendu, un génial et ultra charismatique Powers Boothe, qui s'oppose en tout point au personnage incarné par Carradine, mais sera contraint de se lier avec lui dans un instinct de survie.
"Physiquement, le marais ne pardonnait pas"
C'est peu dire que le tournage de Sans retour a été un enfer. Un tournage de plus de 50 jours, en plein hiver, dans les marais de la Louisiane. "C'est probablement le film le plus dur que j'ai jamais eu à faire. Physiquement, le marais ne pardonnait pas" raconte Hill. "Il fallait choisir un plan et tourner en 5min; le marais ne supportant pas la charge de l'équipement et de l'équipe. On aurait coulé. [...] Le casting l'a admirablement bien supporté. Personne n'est jamais venu me voir pour se plaindre des conditions de tournage. On a vraiment abouti à ce que je voulais".
Keith Carradine ne dit pas autre chose : "on était dans l'eau jusqu'aux genoux toute la journée. Je me rappelle que l'eau était froide. Certains matins, on devait briser la glace à la surface de l'eau. On posait la caméra sur un trépied, mais une fois posée dessus, elle s'enfonçait après trois ou quatre minutes dans la boue. [...] Tout le monde a serré les dents et tenu le coup".
"Je me suis dit que ça ne rapporterait pas un centime"
Une abnégation collective qui ne paiera, hélas, pas. Sans retour sera un échec des plus douloureux au box office, ne rapportant pas même 3 millions de dollars. En France, il n'attirera qu'un peu plus de 260.000 spectateurs.
"C'est difficile de savoir ce que veut le public. Je pense que le film n'a pas bénéficié d'une réelle promotion. Pour être honnête, on savait que le film n'était pas grand public. Je me souviens qu'en regardant le film, une fois terminé, je me suis dit que ça ne rapporterait pas un centime. J'ai souvent ressenti cela tout au long de ma carrière en dents de scie. [...] Vous savez, je dis toujours qu'il faut environ 25 ans pour savoir si un film est bon. Le temps permet de révéler des choses" commente Hill.
Le temps a effectivement et heureusement fait son oeuvre. Nimbé d'une fabuleuse partition signée par Ry Cooder, avec son thème principal lancinant et obsédant; superbement photographié par son chef opérateur fétiche, Andrew Laszlo, tendu à craquer, Sans retour est unanimement considéré aujourd'hui comme un chef-d'oeuvre. Cette merveille est d'ailleurs tout récemment sortie dans une édition combo Blu-ray / UHD 4K édité par L'Atelier d'Images.
publié le 15 mars, Olivier Pallaruelo, Allociné