Divertissements

Cette scène d'ouverture est un chef d'oeuvre du western : il y a deux ans, elle a mis tout le monde d'accord

temps de lecture  3 minutes

Retour sur la première séquence de ce western incroyable, noté 4,1 sur 5 par les spectateurs AlloCiné et actuellement disponible sur AppleTV+.

© Apple Studios

Bien commencer un film, c'est essentiel. Les ouvertures de Gladiator, de Predator, des Deux tours ou de Casino Royale ont marqué l'histoire du cinéma, mais il y a des débuts de film encore meilleurs : ceux qui nous annoncent tout ce qui suit sans que nous nous en rendions forcément compte.

Si l'on a immédiatement l'image de films qui commencent par leur fin comme Fight Club ou Pulp Fiction, on peut aussi penser à ceux qui nous résument tout ce qu'ils sont en une séquence. Et parmi eux, il n'y a pas beaucoup plus réussi que l'introduction du western Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese.

Une présentation brillante des enjeux

Un calumet est levé vers le toit d'un tipi. Des enfants Amérindiens espionnent la cérémonie en train de se dérouler, celle de l'inhumation de ce calumet. Elle signifie que ces enfants "seront élevés par les Blancs" et ne vivront pas selon les coutumes ancestrales de leur culture. La cérémonie est vécue comme un enterrement. Puis, la terre tremble. Un geyser jaillit et crache du pétrole dans lequel les membres de la tribu se baignent volontiers ! Une page se tourne et une nouvelle ère s'ouvre pour la tribu Osage.

Grâce aux quelques images en noir et blanc qui suivent, le spectateur comprend que ces "enfants" amérindiens devenus grands ont effectivement suivi la culture blanche, mais que le pétrole a aussi fait leur fortune et qu'ils sont devenus millionnaires, avec les Blancs à leur service. Ils jouent au golf, pilotent des avions, c'est l'opulence. Mais cette période ne va pas durer bien longtemps car un homme arrive par le train, joué par Leonardo DiCaprio. C'est un ancien militaire qui boit en cachette et il semble surpris de la réussite financière des Osages.

En 6 minutes et 25 secondes précisément, les enjeux et la thématique principale du film sont posés dans une séquence d'ouverture qui était sans doute la meilleure de l'année 2023. Les Osages sont riches, plus riches que les Blancs. Ces derniers le remarquent, ont du mal à accepter que la situation reste ainsi et vont tout faire pour les spolier.

Du jamais vu !

Scorsese le montre dès cette introduction, en filmant caméra à l'épaule en un mouvement d'abord les travailleurs Blancs pauvres et sales, puis les Indiens élégamment habillés et le "héros" joué par DiCaprio les dévisageant.

Notez que comme dans certains des meilleurs westerns, le méchant ou l'élément perturbateur du film arrive par le train. On peut penser à la descente d'Harmonica dans Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone ou aux bandits du Train sifflera trois fois de Fred Zinnemann. Ici, Ernest Burkhart (DiCaprio) coïncide avec la "revanche des Blancs" qui va s'organiser durant les 3h30 de long métrage de Scorsese.

On nous montre également la façon dont les Amérindiens ont dû adopter le mode de vie de Blancs afin d'avoir le droit de rester sur leurs propres terres, et la façon dont l'embourgeoisement conduit finalement à une uniformisation, avec ces Amérindiens de 1910 pratiquant le golf. Des images que le cinéma nous a d'ailleurs peu offert, les westerns préférant représenter les "Natives" comme des êtres hostiles et assoiffés de sang bons à massacrer, ou un peuple auprès duquel il faut s'excuser a posteriori.

Killers of the Flower Moon s'inscrit plutôt dans la seconde catégorie, en nous proposant en plus un aspect informatif voire documentaire qui lui donne toute légitimité. Et tout ça, en six minutes. Stetson bas !

publié le 29 juillet, Corentin Palanchini, Allociné

Liens commerciaux