Ciudad sin sueño : le regard d'un enfant sur un monde qui s'efface
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À travers le regard de Toni, 15 ans, Ciudad sin sueño raconte la fin d'un monde et la force d'une communauté rom aux portes de Madrid. Réalisme et poésie s'entrelacent dans ce film à découvrir en salle le 3 septembre.
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Aux frontières de Madrid, les rêves en ruines
Toni, un garçon Rom de 15 ans, vit dans le plus grand bidonville illégal d'Europe, en périphérie de Madrid. Fier d'appartenir à sa famille de ferrailleurs, il suit son grand-père partout. Mais à mesure que leur terrain devient la proie des démolisseurs, la famille se divise : lorsque certains choisissent de partir en ville, son grand-père, lui, refuse de quitter leurs terres. Au fil des nuits, Toni doit faire un choix : s'élancer vers un avenir incertain ou s'accrocher au monde de son enfance.
Récompensés du prix de la meilleure direction lors de la Semaine Internationale de la Critique du Festival de Cannes, le réalisateur Guillermo Galoe et son co-scénariste Víctor Alonso-Berbel racontent, à travers Ciudad sin sueño, la fin d'une communauté marginalisée : celle de La Cañada Real, au abords de la Capitale espagnole. Pendant près de 6 ans, le cinéaste a tissé des liens avec cette population rom d'Estrémadure située à peine à 10 minutes de chez lui. De cette cohabitation est né Ciudad sin sueño, une œuvre indéniablement authentique et prodigieusement intimiste.
Un récit habité par ses acteurs
Avec ses qualités de film documentaire, Ciudad sin sueño brouille la frontière entre réalité et fiction. N'étant pas issus de cet univers qu'ils dépeignent, les scénaristes ont d'abord gardé une certaine distance. Celle-ci n'a cessé de s'amenuiser au fur et à mesure qu'ils approfondissaient leurs connaissances des lieux et de la culture Rom, offrant à l'histoire un réalisme poignant.
Les personnages du film portent de profondes blessures. Ils sont confrontés à la disparition de leur monde qui, bien que longtemps stigmatisé, continue de porter avec fierté ses mythes et ses valeurs. Pour les incarner, un casting sauvage a été mis en place afin de sélectionner uniquement des membres de la communauté.
Antonio "Toni" Fernández Gabarre, habitant de La Cañada Real, interprète avec une justesse impressionnante un personnage dont il partage le nom, jeune garçon divisé entre son amour pour son quotidien et la possibilité d'un avenir néanmoins incertain. Le comédien, pourtant amateur, aborde ce rôle touchant avec un naturel plus que déconcertant.
L'enfance comme dernier territoire
"Le film, comme Toni, crie la liberté et vibre comme son regard.", affirme le cinéaste. Ciudad sin sueño dévoile la routine de ces familles dont les conditions de vie sont particulièrement extrêmes : absence d'eau courante, pas d'accès à l'éducation, coupures d'électricité, et ce même durant l'hiver... Dénuée de jugement, la caméra plonge dans leurs habitations sans jamais rien éclipser au profit d'une quelconque esthétisation - un acte dont on ne peut nier le caractère politique.
"Le film est né d'une image : un enfant qui revendique son enfance alors qu'il la voit s'envoler dans la nuit, explique le réalisateur. Je voulais raconter cela à travers les yeux de Toni, qui est sur le point de devenir adulte, mais dont le regard garde encore la magie de l'enfance, un regard sans jugement, où tout est encore possible et qui nous entraîne dans un univers brut et complexe. Ce sont les habitants de cette communauté qui ont donné vie à ce film."
Les terrains de jeu de Toni sont des carcasses de voitures, des déchèteries à ciel ouvert, des maisons abandonnées et des plaines aux alentours des quartiers madrilènes. Son chien, un beau lévrier blanc, est son plus grand trésor. Au travers de séquences filmées au téléphone avec des ajouts de filtres saturants les couleurs, Toni s'approprie ces lieux désertés et en révèle toute la poésie avec son propre regard cinématographique. Ode à la liberté, Ciudad sin sueño invite à la contemplation, révélant avec modernité la beauté cachée dans chaque détail.
Fulgurant de réalisme poétique, Ciudad sin sueño est à découvrir en salle le 3 septembre.
publié le 31 août, Lola Epoque, Allociné