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Depuis 52 ans, la fin de ce western touche tous les spectateurs par son universalité

© Les Films Jacques Leitienne

Retour sur la fin du western atypique régulièrement rediffusé à la télé "Mon nom est Personne", et sur ce qu'elle disait alors sur le genre et sur la vie.

Il n'est pas rare qu'un western nous donne une leçon de vie : on pense immédiatement à l'ôde au courage face à la lâcheté collective du Train sifflera trois fois ou à la leçon que nous donne L'Homme qui tua Liberty Valance, mais pour le western qui nous occupe aujourd'hui, il faut attendre la toute fin pour que l'on comprenne vraiment le message donné.

Dans Mon nom est Personne, produit par Sergio Leone et réalisé par Tonino Valerii, on suit les aventures du jeune "Personne" (Terence Hill) qui compte bien donner à son idole, le pistolero vieillissant Jack Beauregard (Henry Fonda), la fin de carrière qui le fera entrer dans les livres d'histoire : affronter la terrible Horde sauvage. Sauf que Beauregard, lui, n'a pas l'air tenté de combattre seuls 150 cavaliers déchainés...

Un message universel

A la fin du film, Personne se rend chez le barbier, une scène similaire à celle qui ouvrait le film, et où Jack Beauregard se retrouvait le bas du visage couvert de mousse à raser avec un type douteux tenant le rasoir. La scène se terminait par Fonda braquant le malveillant au niveau des parties intimes avec son colt pour le maintenir sous contrôle. Ainsi, il arrivait à sortir vivant de l'échoppe, après avoir forcé ce truand à vraiment lui tailler la barbe avant de le dégommer au Colt Army !

Près de 2 heures de film s'écoulent avant que Personne ne vive un moment parfaitement identique. Il vient se faire raser sans ignorer que celui a le rasoir en main est l'un des membres survivant de la Horde sauvage qui compte bien lui couper la gorge. Il n'est pas dupe, mais au lieu de braquer le type avec son arme, c'est son doigt qu'il place entre les fesses du bandit ! Image fixe. Fin du film.

Trivial ? Seulement en apparence !

Cette fin n'est pas qu'un pied de nez humoristique d'un goût un peu trivial, elle met très bien en parallèle les deux styles de westerns qui se tournaient à l'époque : le cinéma américain faisait toujours tourner les anciennes gloires du genre telles que John Wayne ou Kirk Douglas en parallèle d'un Nouvel Hollywood balbutiant, tandis que Sam Peckinpah puis Sergio Leone avaient mené le western à aborder frontalement -et graphiquement - la violence de la conquête de l'Ouest.

Mais certains réalisateurs italiens ont pris l'ironie et le sérieux des films Sergio Leone pour les détourner en comédies westerns, dont la plus célèbre est bien sûr On l'appelle Trinita avec... Terence Hill ! Dans ce film, point de duels tendus mais beaucoup de coups de poings distribués dans une bonne humeur permanente. Le succès de Trinita a donné naissance à une grande variété de "sous-Trinita" généralement moins inspirés.

De son côté, Henry Fonda représente bien sûr le western américain. Aussi, lorsque son personnage écrit à Personne : "Essaye pourtant de retrouver un peu de ces rêves qui nous habitaient, nous autres de l'ancienne génération. Même si tu t'en moques avec ta fantaisie habituelle, nous t'en serons reconnaissants. Au fond, on était des sentimentaux." C'est un appel à ce que le western, genre alors déclinant au box-office, perdure, et ce même s'il doit le faire avec ironie et détachement.

Il ajoute : "Dépêche-toi de t'amuser, car cela ne durera plus bien longtemps. Le pays s'est développé, a changé, je ne le reconnais plus. Je m'y sens déjà étranger. Le pire, c'est que même la violence a changé. Elle s'est organisée. Un coup de revolver ne suffit plus, mais tu le sais déjà, car c'est ton siècle, ce n'est plus le mien. (...) D'ailleurs, je suis fatigué. Car il n'est pas vrai que les années produisent des sages. Elles ne produisent que des vieillards (...)."

En plus de dire au revoir à l'Ouest américain tel qu'on nous l'avait représenter, Mon nom est Personne dit aussi qu'il faut s'amuser tant qu'on le peut, que la jeune génération doit pouvoir s'affranchir de la précédente sans en rejeter systématiquement les rêves. Un passage de relais humain, qui dépasse alors le cadre du seul western pour toucher à l'universel. Et cela, c'est du grand cinéma.

publié le 1 juillet, Corentin Palanchini, Allociné

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