Il y a 51 ans, Jean Gabin a eu ce geste qui témoigne d'un professionnalisme sans faille

© Gaumont
Alors qu'il était déjà une star incontestée du cinéma, Jean Gabin ne pouvait pas travailler et il a eu ce geste d'une classe incroyable.
En 1974, Jean Gabin est contacté par Denis Bourgeois, un éditeur de musique, qui le convainc d'enregistrer une chanson dont les paroles sont déjà écrites. "Le Patron" comme le surnomment les critiques des Cahiers du cinéma, est une star accomplie n'ayant plus rien à prouver à personne, continue de tourner des films en tête d'affiche qui cartonnent. Il cède, surtout pas ne pas décevoir l'auteur des paroles et qu'il ait travaillé pour rien.
"Désolé, je ne peux pas chanter"
En réalité, aucune parole n'était encore écrite, Bourgeois avait "enfumé" Gabin. Tout ce qu'il avait était les droits de diffusion d'une chanson américaine, But Now I Know, interprétée par le chanteur Noel Purcell. Il contacte Jean-Loup Dabadie, qui accepte d'en écrire une version française qui devient Maintenant je sais et la propose à Gabin.
Ce dernier accepte, comme il accepte la méconnue face B du disque, un second titre intitulé Maître Corbeau et Juliette Renard, écrit par Dabadie et mis en musique par Jean-Pierre Sabar, la discussion entre un notaire et une jeune fille, Anne Germain, qui avait doublé Catherine Deneuve dans les parties chantées des Demoiselles de Rochefort (1967) et de Peau d'âne (1970).
Le 3 juillet 1974, Gabin entre en studio pour enregistrer les deux titres à 14 heures pile, il est ponctuel, car c'était l'horaire convenu. Sauf qu'il ne va pas pouvoir travailler. Dans le n°29 du magazine Schnock, consacré à l'acteur, Jean-Loup Dabadie raconte :
"Il arrive pile à l'heure avec un foulard, sa bâche (sa casquette) et ses grosses lunettes. Il nous dit : 'Je suis désolé, je ne peux pas chanter. J'ai pris froid ce week-end aux courtines [mot d'argot pour désigner un hippodrome]'."
"L'éditeur lui dit que cela n'a aucune importance", poursuit Dabadie, "et que le studio est retenu en permanence pour lui. Et là, il sort de sa poche une feuille blanche A4. C'est la lettre d'un médecin, un ORL, qui certifie que Monsieur Gabin a attrapé une trachéite qui l'empêche de chanter. Le grand Gabin avec un mot d'excuse !"
Un succès inattendu
Finalement, Gabin revient deux jours plus tard et l'enregistrement se passe à merveille, l'acteur a appris son texte par cœur et se laisse volontiers diriger. Ses parties sont largement parlées, mais il chante tout de même sur le pont de Maintenant je sais.
A sa sortie, le morceau est un succès, se classant même un instant 3e du hit-parade d'Europe 1, juste "derrière les Pink Floyd et Sheila", constatera Gabin. S'il avait débuté par des opérettes, l'interprète du Pacha n'avait plus chanté depuis Quand on s'promène au bord de l'eau pour La Belle Équipe de Julien Duvivier en 1936 !
Gabin décèdera deux ans après l'enregistrement, le 15 novembre 1976.
publié le 24 février, Corentin Palanchini, Allociné