"J'avais l'impression que tu avais perdu tout intérêt" : il y a 35 ans, lorsque ce grand réalisateur a refusé de le recontacter pour son nouveau film, Charlie Sheen s'est senti trahi
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Invité de l'émission In Depth With Graham Bensinger, dans laquelle il balaye sa carrière, Charlie Sheen évoque sa frustration de l'époque sur le choix d'Oliver Stone de confier le rôle principal de Né un 4 juillet à Tom Cruise.
© MGM
Couronné par quatre Oscars dont celui du Meilleur film et du Meilleur réalisateur, Platoon reste, 39 ans après sa sortie (qui avait d'ailleurs séduit près de 3 millions de spectateurs en France), un des meilleurs films de guerre jamais réalisés. Mais aussi l'un des meilleurs jamais consacrés à la guerre du Viêtnam, source inépuisable du cinéma américain. Le film d'Oliver Stone était aussi une oeuvre majeure dans la filmographie chaotique de Charlie Sheen.
Ce dernier vient justement d'être le récent invité de l'émission In Depth With Graham Bensinger, dans laquelle il balaye en près de 2h sa carrière, ses hauts et ses bas. Et d'évoquer ce moment où il a été écarté du rôle principal de Né un 4 juillet, le second des trois films de Stone consacré à la guerre du Viêtnam, qui permettra à Tom Cruise de remporter sa première citation à l'Oscar.
On imagine évidemment la déception de Sheen, dans la mesure où il était absolument impeccable dans Platoon, et qu'il avait aussi tenu le rôle principal dans Wall Street.
"J'avais l'impression que tu n'avais aucune passion pour ça"
En fait, Sheen n'avait aucune idée que Stone changeait de cap jusqu'à ce que le frère de Sheen, Emilio Estevez, l'appelle à l'improviste un soir (via Entertainment Weekly). "Il me dit : "Salut, mec. Tu es assis ?" Et je me suis dit que quelqu'un était mort, n'est-ce pas ?" raconte Martin Sheen. "Je lui ai répondu : "Non, qu'est-ce qui se passe ?" Il m'a dit : "Cruise va jouer dans Né un 4 juillet". J'adore le fait qu'Emilio ait pensé que je devais être assis pour recevoir une nouvelle qui, selon lui, allait me faire défaillir. Je veux dire, qu'est-ce qu'on fait ici ? C'est un film".
Il n'empêche qu'il accuse quand même le coup. "Il y avait aussi le facteur trahison. Alors je me suis dit : "OK, très bien". Vous savez, Oliver est un fan de Tom depuis longtemps. Ce n'est pas le même film si c'est Tom qui le fait ou si c'est moi qui le fais".
Sheen a déclaré que la nouvelle du casting de Cruise était tombée après qu'il ait "eu des réunions" au sujet du film avec Stone, le duo ayant même dîné avec le vrai Ron Kovic. "Et puis je n'ai plus eu de nouvelles de lui. Nous avons arrêté d'en parler, j'ai contacté Oliver, et on m'a dit qu'il était à Cuba. Peu importe. On était en 1988 ou 1989. Je me suis dit : "OK, dites-lui que je le cherche".
Ce n'est que bien plus tard que Martin Sheen a pu confronter Oliver Stone à ce sujet, alors qu'ils se trouvaient tous les deux dans le même bar. "J'étais assez ivre, et lui aussi, pour que le sujet soit enfin abordé. Et il m'a dit : "J'avais juste l'impression que tu n'avais aucune passion pour ça. J'avais l'impression que tu avais perdu tout intérêt". Je lui ai répondu : "Eh bien, je ne t'ai pas vu. Comment peux-tu savoir à quel point j'ai perdu ma passion ou mon intérêt si nous n'en avons plus jamais reparlé ?"
"Il aurait dû gagner ce foutu Oscar"
Aucune rancoeur de Martin Sheen vis-à-vis de Tom Cruise cela dit. Au contraire même. "Ce n'était pas comme si j'allais dire du mal de lui, parce qu'ensuite, vous voyez le film et vous vous dites : "Oh, OK. D'accord. Il l'a transformé en ça". Quand quelqu'un obtient un rôle et fait ça, on se dit simplement : "Bien sûr", c'est évident. On ne reste pas là à analyser et à se dire : "J'aurais fait mieux". C'est une brillante, et il aurait dû gagner ce foutu Oscar".
Stone avait effectivement le nez creux en confiant le rôle principal de son film à Cruise. "J'ai pensé qu'il était le meilleur de sa génération pour jouer ce rôle. C'est le fiston idéal de tous les Américains" disait-il. "Le voyage qu'il a accomplit dans le film est plus puissant encore quand il est accompli par la star de Top Gun. Ce n'est pas seulement Ron qui traverse cette horrible épreuve, c'est Tom Cruise - notre perception de Tom Cruise".
L'acteur était si convaincu par le film qu'il a accepté sans problème de baisser son cachet qui s'est largement envolé depuis Top Gun. "Je sentais que c'était un scénario très fort et un personnage magnifique" racontera-t-il.
"Pour moi, la clé pour incarner Ron Kovic, c'est de ne jamais baisser les bras et rechercher la vérité. Le film ne parle pas d'un homme en fauteuil roulant. C'est le pays qui était devenu invalide. Il fallait dépasser le récit personnel de cet homme; il s'agit de son triomphe personnel".
L'engagement de Cruise sur le rôle sera admirable, sans faille. "Ma première rencontre avec lui m'a surpris" racontera Kovic. "Il est venu me voir chez moi avec Oliver. J'ai été surpris de voir à quel point il comprenait tout ce que j'avais enduré. Tom a été très clair avec moi : il a dit qu'il mettrait toutes ses tripes dans le film, et qu'il ne me décevrait pas".
C'est non sans ironie que l'on a appris en juin dernier que Tom Cruise recevrait en novembre prochain un Oscar d'honneur, qui sera le premier de sa carrière. Une précieuse statuette qu'il aurait pourtant plus que largement méritée pour son admirable composition dans le chef-d'oeuvre d'Oliver Stone.
publié le 1 novembre, Olivier Pallaruelo, Allociné