Kristen Stewart : vous aimez l'actrice ? Découvrez la réalisatrice avec ce premier film qui ne vous laissera pas indifférent
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Passé par les festivals de Cannes et Deauville, "The Chronology of Water" est le premier long métrage réalisé par Kristen Stewart. Et sachez une chose : il lui ressemble, et ne vous laissera pas indifférent.
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Ça parle de quoi ?
Ayant grandi dans un environnement ravagé par la violence et l'alcool, la jeune Lidia peine à trouver sa voie. Elle parvient à fuir sa famille et entre à l'université, où elle trouve refuge dans la littérature. Peu à peu, les mots lui offrent une liberté inattendue...
Le poids de l'eau
The Chronology of Water n'est pas exactement la première réalisation de Kristen Stewart, car il y a d'abord eu le court métrage Come Swim en 2017. Le film passé avec succès par les festivals de Cannes (en sélection officielle, dans la catégorie Un Certain Regard) et Deauville (avec un Prix de la Révélation à la clé) est en revanche son premier long, et on notera la récurrence de l'eau et de la natation dans les titres, ce qui est le seul point commun entre les deux oeuvres, en poussant un peu.
L'opus sorti ce mercredi 15 octobre n'est pas la version longue de Come Swim, dont l'histoire était née dans l'esprit de sa réalisatrice, mais l'adaptation de "La Mécanique des fluides", mémoires de Lidia Yuknavitch que Kristen Stewart tente de transposer sur grand écran depuis qu'elle les a découverts, bouleversée, en 2017. "J'ai senti qu'il devait devenir un film, car il m'a semblé être un rêve", nous répondait la star au Festival de Cannes, quelques heures après la fin de la projection officielle. "La manière dont elle organise sa vie, de manière rétrospective, possède une vraie congruence mais il n'y pas vraiment d'ordre."
"Être dans un corps de femme n'est pas facile mais c'est une expérience magnifique si vous parvenez à en parler. Si vous devez le refouler, ça peut vous tuer."
"Les éléments traumatiques, la connectivité émotionnelle et cette notion de mémoire sont physiques, et nécessitent que l'on en fasse un film. Et qu'on tourne ce dernier sur pellicule car il faut pouvoir prendre les images et les couper, les trancher en deux, pour créer un effet de collage. Pour moi c'est quelque chose dont nous vivons et ressentons chaque jour, nous savons ce que cela fait car nous en faisons tous l'expérience. Imaginer raconter tous ses secrets m'a vraiment titillée. Être dans un corps de femme n'est pas facile mais c'est une expérience magnifique si vous parvenez à en parler. Si vous devez le refouler, ça peut vous tuer."
"Le livre est un morceau de littérature salvateur. Il vous encourage à écouter votre voix intérieure, alors qu'on encourage constamment les femmes à ne pas le faire. Nous devions mettre cela sur pied, permettre que chacun et chacune puisse partager son espace, son temps, ses souvenirs et son corps, pour laisser les choses sortir ensemble et ne pas être embarrassées. Que ce soit une célébration." Revenant sur la présentation de la veille, Kristen Stewart nous disait également que "Nous avons créé des souvenirs hier, avec un film sur la mémoire", et l'approche de sa mise en scène passe grandement par cet aspect.
Si l'utilisation de la voix-off et de flashes sont des outils courants pour y parvenir, The Chronology of Water marque les esprits par sa manière de les agencer, car les images ne sont pas là pour illustrer les paroles, et sont même très souvent en décalage, intégrées de manière anarchique, comme pour évoquer une dissociation autant que des souvenirs traumatiques : ceux d'un passé marqué par la violence et les agressions, dont Lidia ne parvient pas à se débarrasser et qui, comme sur l'eau du titre, refont surface sans qu'elle ne puisse les contrôler, dans un premier temps.
Dans ses premiers chapitres, le long métrage se révèle ainsi dur, inconfortable, intense et imprévisible. Violent aussi, sur les plans physique et sonore, mais parce qu'il se doit de l'être, pour permettre au spectateur de vivre la vie de Lidia, et les agressions dont bon nombre de femmes sont victimes. Le résultat pourra ainsi faire débat, mais il est impossible qu'il laisse ses spectateurs indifférents, quand bien même certains pourraient pointer du doigt un trop-plein à l'issue de ces 128 minutes, générique de fin compris.
"Comme moi, ce film est vraiment frénétique et part dans tous les sens"
The Chronology of Water fait d'ailleurs partie de ces films qu'il vaut mieux vivre que raconter, tant il n'est pas évident de mettre des mots dessus, même si la meilleure manière de le résumer serait peut-être de dire qu'il est à l'image de Kristen Stewart, jusque dans son imprévisibilité et son énergie : "Elle est très authentique et singulière", dit Imogen Poots, son interprète principale qui est pour beaucoup dans le réussite du projet, en délivrant la plus grande performance de sa carrière. "Sa façon de mener sa vie est très très unique, et courageuse."
"Je suis certaine qu'elle possède une connexion qui lui est propre envers le personnage du livre, car elles sont toutes les deux artistes et en quête de vérité. Elles ne mentent pas, ce qui est rare (rires)" "Comme moi, ce film est vraiment frénétique et part dans tous les sens", confirme la jeune cinéaste, en riant elle aussi. "Les premiers souvenirs de Lidia sont très anciens, donc ils paraissaient fragmentés et très éloignés. On a l'impression de voir une représentation, jusqu'à ce qu'elle grandisse et que ces souvenirs se rapprochent de la surface et soient plus composés. Elle a appris à s'exprimer, à reprendre possession de son corps et à habiter l'espace qui l'entoure."
"Et d'un seul coup, elle devient incroyablement claire et précise, en s'adressant au public à travers la voix-off. Jouer avec la forme est la principale raison pour laquelle j'ai eu envie de faire ce film. Je ne pense pas que je serais très bonne en faisant autre chose, car celui-ci est exceptionnellement concis. Et à la fin, vous ne savez pas comment vous en êtes arrivés là, ni moi non plus, car c'était un processus vraiment physique et instinctif : à la fin, elle flotte, libérée, et on se demande encore comment nous sommes parvenus à faire cela."
Cinq mois plus tard, The Chronology of Water est enfin là, sur nos écrans, pour le plus grand soulagement de sa réalisatrice : "J'ai hâte que le film s'épanouisse et qu'il ait des conversations avec le monde", nous avouait-elle alors. "Ça je ne peux pas le contrôler. J'étais pétrifiée [pendant la séance officielle] mais, dans le même temps, très libérée, avec cette ferme conviction que nous nos étions affirmées pleinement. Que les retours soient bons ou pas, nous prendrons ce qu'il y a à prendre." Et nous, nous attendrons avec impatience de savoir quand et comment Kristen Stewart repassera derrière la caméra.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Cannes le 17 mai 2025
publié le 15 octobre, Maximilien Pierrette, Allociné