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La Vague (La Ola) : une tempête musicale et féministe qui emporte tout sur son passage...

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Avec La Vague, Sébatian Lelio fait vibrer le Chili et le monde avec un message féministe nécessaire et puissant. Une œuvre musicale qui secoue et transperce, à découvrir le 5novembre en salle.

© Metropolitan FilmExport

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Au printemps 2018, une vague de manifestations déferle sur le Chili. Julia, une étudiante en musique rejoint le mouvement de son université pour dénoncer le harcèlement et les abus subis par les élèves depuis trop longtemps. Alors qu'elle trouve le courage de partager avec les étudiantes un souvenir qui la hante, elle devient malgré elle une figure centrale du mouvement. Son témoignage, intime et complexe, devient une vague qui secoue, perturbe et désarme une société polarisée.

Réalisateur et scénariste chilien reconnu, Sebastián Lelio s'est imposé comme un maître dans l'art du portrait féminin, explorant avec finesse les zones d'ombre et de lumière de ses héroïnes. De Gloria à Désobéissance, en passant par Une femme fantastique - Oscar du meilleur film en langue étrangère -, son cinéma célèbre la liberté et la résistance.

Dans ce neuvième long-métrage, inspiré de faits réels, Lelio brosse le parcours d'une jeune femme qui cherche à "élever sa voix", au sens propre comme au figuré : progresser dans la pratique du chant de haut niveau et oser un cri de rébellion, une quête d'émancipation.

Un tour de force visuel et musical...

Chorégraphies, chansons originales, bande-son immersive, scènes théâtralisées... La Vague - ou La Ola en espagnol - captive d'emblée par la virtuosité de sa mise en scène savamment orchestrée.

Et pour ce faire, le réalisateur s'est entouré d'une équipe artistique d'exception : d'une part, le chorégraphe Ryan Heffington, mondialement connu pour son travail sur le clip "Chandelier" de Sia, - qui lui a valu un MTV Award et une nomination aux Grammy Awards - ou encore pour le clip "We Exist" du groupe Arcade Fire. Son approche mêlant danse contemporaine et mise en scène théâtrale repousse les limites traditionnelles de la danse. Chez Lelio, elle devient un langage à part entière : un moyen puissant de dénoncer les comportements misogynes, transformés ici en tableaux à la fois grotesques et poignants.

Pour la bande originale, Sebastián Lelio retrouve son complice Matthew Herbert, compositeur, musicien et producteur britannique, déjà à l'origine des musiques d'Une femme fantastique et de Désobéissance. Célèbre pour son approche avant-gardiste de la musique électronique et expérimentale, Herbert insuffle ici une dimension profondément politique et sensorielle au film.

Désireux d'ancrer la création musicale dans la réalité chilienne, il s'est entouré de 17 compositrices locales, puisant dans leurs sensibilités et leurs engagements pour façonner une œuvre collective : "La musique de ce film a été pensée, dans bien des aspects, comme une musique de rue, directement inspirée des chants de protestation" explique-t-il. J'ai aussi extrait des sons issus de vidéos de la répression : tirs de gaz lacrymogène, coups de feu, sirènes que nous avons transformés en accords et en mélodies." Une démarche audacieuse et innovante donc, où le bruit devient émotion, et la révolte, harmonie.

Enfin, la sélection s'est révélée également minutieuse et exigeante pour le choix des actrices et acteurs. En effet, le film requiert des artistes complets : à la fois chanteurs, danseurs et comédiens, capables d'habiter pleinement cette œuvre hybride, à la croisée du cinéma, du chant et de la danse. La distribution mêle donc talents nationaux et internationaux. Pour former les ensembles chorégraphiques apportant à la scène leur énergie et leur créativité, 120 artistes ont ainsi été sélectionnés. Tous ont suivi un programme intensif de trois mois avant le tournage, un véritable travail de troupe, où l'effort physique et la communion artistique ont permis de façonner l'âme du film.

...au service d'un message puissant et nécessaire

Un an après Emilia Pérez - le drame musical racontant l'histoire vraie d'un baron de la drogue mexicain devenu femme -, la musique se met à nouveau au service d'une cause progressiste dans un film d'Amérique latine.

Cette fois, Sebastián Lelio choisit pour toile de fond les révoltes étudiantes féministes au sein d'une université de Santiago du Chili, où des étudiants accusés d'agressions et de viols continuent d'être diplômés. Mais ce combat dépasse les murs de l'université : il fait écho à une lutte universelle, celle des femmes - et des minorités de genre - contre le silence et l'impunité, dans les universités mais aussi la politique, le monde du travail, et bien au-delà.

Le film se dote aussi d'une symbolique forte. Julia, le personnage principal, suit avec acharnement des cours de chant de haut niveau. Sa professeure l'encourage à chanter plus haut, plus fort, à atteindre des aigus sans perdre la puissance de sa voix. Parallèlement, ses amies l'incitent à rejoindre le mouvement féministe et à témoigner des abus qu'elle a subis. Cette double injonction - chanter plus haut, parler plus fort - devient la métaphore centrale du film : apprendre à élever sa voix, littéralement et symboliquement.

Plus qu'un film sur la libération de la parole, La Vague porte un message profondément universel : la nécessité d'inventer un nouveau modèle relationnel entre les hommes, les femmes et les identités de genre non conformes. Et quoi de plus juste que le genre musical pour faire vibrer ce message ? "Je suis fasciné par l'idée d'utiliser le genre musical - avec son aura de romantisme, de splendeur, de spectacle et d'évasion - comme vecteur pour aborder un sujet aussi urgent que délicat" confie Sebastián Lelio.

Divertissant et engagé, éclatant de couleurs et de diatribes sociales, La Vague mêle la rage de la rue au raffinement de la mise en scène. La colère et la douleur s'y transforment en beauté : la voix de Julia devient cri, puis chant ; la révolte devient chorégraphies et harmonies qui ensorcellent autant qu'elles envoûtent... La sphère intime rejoint ainsi la sphère publique avec une facilité déconcertante : "Avec toute sa liberté, le genre musical fait danser des centaines de corps à l'unisson, lève le rideau et expose cette vérité : le privé est politique."

Avec La Vague, Sebastián Lelio signe une œuvre à la fois enragée et lumineuse, un cri collectif qui résonne bien au-delà du Chili. Une pépite à découvrir dès le 5 novembre au cinéma.

publié le 5 novembre, Élise Gries-Braun, Allociné

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