"Nous aurions dû nous arrêter à ce stade" : noté 1,6 sur 5, ce film de science-fiction des années 2000 a été l'un des plus gros échecs de l'Histoire du cinéma
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Avec un budget colossal, une star comme Eddie Murphy et des ambitions lunaires, "Pluto Nash" aurait dû briller. Il est pourtant devenu l'un des plus grands naufrages du cinéma. Retour sur un désastre intersidéral.
© Warner Bros. France
Dans le monde du cinéma, il existe des films qui sombrent discrètement et d'autres qui échouent de façon spectaculaire, sous les yeux de tous. Pluto Nash, avec Eddie Murphy en tête d'affiche, appartient sans conteste à la seconde catégorie. Ce film de science-fiction, censé être une superproduction prometteuse, s'est transformé en l'un des désastres les plus marquants de l'histoire du box-office. Retour sur un échec aussi spectaculaire qu'instructif.
Le scénario de Pluto Nash traînait dans les tiroirs d'Hollywood depuis 1983. Pendant près de deux décennies, le projet est passé de mains en mains, changeant d'acteurs pressentis, de producteurs, et de réalisateurs. Même des noms comme Harrison Ford ont un jour été évoqués sans que personne ne s'engage vraiment. Il a fallu attendre l'arrivée d'Eddie Murphy pour que le film commence à prendre forme.
Mais même une star comme Murphy n'a pas suffi à stabiliser le projet. Selon Ron Underwood, le réalisateur du film (connu notamment pour le culte Tremors), le comédien rejetait systématiquement les scénarios qui lui étaient proposés. Chaque version du script était balayée d'un revers de main, forçant les producteurs à faire appel à de nouveaux auteurs encore et encore.
"Eddie a toujours été très agréable et il était facile de travailler avec lui à certains égards", a expliqué le réalisateur au cours d'une longue interview accordée à SlashFilm en 2020. "Mais il n'aimait pas les scénarios que nous écrivions. Il n'arrêtait pas de rejeter les scénarios. Et nous faisions appel à un nouveau scénariste et réessayions ; et nous faisions appel à un nouveau scénariste et réessayions encore. Et c'est juste que... il ne répondait tout simplement pas. Je veux dire, peut-être que nous aurions dû nous arrêter à ce stade. Il disait que l'idéal pour lui, c'était un film écrit pour quelqu'un comme Sylvester Stallone ou Harrison Ford, dans lequel il apporterait sa touche de comédie."
Des décisions absurdes et un budget astronomique
À ces difficultés créatives se sont ajoutés des choix de production pour le moins discutables. Initialement prévu pour être tourné au Royaume-Uni, le film a finalement été déplacé à Montréal. Problème : la ville n'avait pas d'infrastructure adaptée pour une production de cette ampleur. Résultat, un studio a littéralement été construit de toutes pièces, uniquement pour Pluto Nash. Une décision extrêmement coûteuse, surtout quand on sait que le film ne disposait même pas encore d'un scénario finalisé à ce moment-là.
"C'était probablement le premier grand film réalisé à Montréal... Des films étaient tournés à Montréal depuis des décennies, dont beaucoup étaient de grands films, mais il s'agissait pour la plupart de films français à petit budget. Donc, en prenant un film de cette taille, où ils n'avaient pas l'espace suffisant, ils ont construit un studio pour nous pendant ces mois où nous attendions le scénario. Ils ont en fait construit un studio pour CE film."
Les dépenses ont ainsi explosé. Au total, le budget du long-métrage, qui mettait aussi en scène Rosario Dawson, se serait situé entre 100 et 120 millions de dollars. À titre de comparaison et avec inflation, cela équivaudrait aujourd'hui à environ 175 à 210 millions. Et tout ça pour un film qui a finalement rapporté à peine plus de 7 millions dans le monde entier...
Une sortie sabotée dès le départ
Comme si cela ne suffisait pas, la sortie du film a été plombée par une projection test catastrophique organisée bien trop tôt, alors que les effets spéciaux n'étaient pas terminés et que le montage n'était pas finalisé. Les premiers retours ont été si mauvais qu'un bouche-à-oreille négatif a fait son effet avant même la sortie officielle. Paniqués, les producteurs ont ordonné des reshoots en urgence mais il était déjà trop tard.
Initialement prévu pour avril 2001, Pluto Nash a finalement fait ses débuts dans les salles en août 2002, en plein été, dans l'indifférence générale. Le résultat a été sans appel : le film s'est écrasé. Littéralement. Warner Bros a perdu plus de 100 millions de dollars. La société Castle Rock, co-productrice, a dû licencier un tiers de ses employés deux semaines après la sortie pour tenter d'absorber le choc.
Un réalisateur marqué à vie
Quant à Ron Underwood, cette expérience l'a profondément marqué. "C'était mon film. J'en prends la responsabilité", confiait-il en 2020. "J'en ai pris la responsabilité. Je veux dire, c'est le film que j'ai fait. C'était moi, à cette époque, en train de faire ce film. Donc j'en assume la responsabilité. [...] C'était difficile après Pluto Nash d'envisager de se lancer dans une longue période de travail sur un film. L'endurance et l'énergie qu'il faut."
Aujourd'hui encore, Pluto Nash reste un cas d'école : celui d'un film qui, malgré un budget colossal et une star de premier plan, n'a jamais su trouver son cap. Un mélange de visions contradictoires, de décisions précipitées et de timing désastreux. Résultat : un crash cinématographique mémorable, gravé à jamais dans les annales d'Hollywood.
Pour les curieux, Pluto Nash - noté 1,6 sur 5 par les spectateurs d'AlloCiné - est disponible en VOD.
publié le 9 août, Aude Mackau, Allociné