Ruiné par ses parents, cet enfant star d'Hollywood a permis à des milliers comme lui de pouvoir contrôler leur argent

© Charles Chaplin Productions
Adorable bambin que Chaplin prenait en affection dans "Le Kid", Jackie Coogan fut le plus jeune enfant star millionnaire. Mais il sera ruiné par des parents sans scrupule, au point d'attaquer en justice ses géniteurs. Du jamais vu à l'époque...
Il avait atteint la célébrité du jour au lendemain en tenant le rôle d'un gamin au gentil visage, déambulant dans les rues et cassant des vitres pour qu'elles soient ensuite remplacées par son père adoptif. "Il", c'était Jackie Coogan, l'adorable et bouleversant bambin du Kid de Charles Chaplin, sorti en 1921.
En réalité, la première apparition de Jackie à l'écran s'est faite avant même qu'il puisse parler. En 1917, à l'âge d'un an et demi, il jouait dans un court, Skinner's Baby. Jackie continuera à apparaître dans de petits rôles dans des films et au théâtre de vaudeville jusqu'à ce qu'il soit découvert par Chaplin à l'âge de six ans.
Un contrat en or massif
Son rôle dans Le Kid fit beaucoup pour sa notoriété; pas seulement aux Etats-Unis mais dans le monde entier. Ses incarnations d'Oliver Twist en 1922, et plus encore celle de Tom Sawyer, en 1930, lui permettront encore davantage d'affirmer celle-ci.
En conséquence de quoi son salaire grimpa de manière exponentielle. Après le Kid, il décrocha un contrat en or massif de 500.000 $ avec la MGM, avec de surcroît l'assurance contractuelle de toucher 60% des profits générés par les films dans lesquels il jouait. A l'âge de 8 ans, Jackie Coogan touchait un salaire hallucinant de 22.000 $ par semaine.
De quoi même lui permettre d'acheter une maison agrémentée d'une piscine, exemple rare à l'époque. Il parvint ainsi à amasser avant l'âge de 21 ans une fortune estimée à 4 millions de dollars, ce qui correspondrait aujourd'hui, ajusté à l'inflation, à plus de 92 millions de dollars.
Une fortune dilapidée par sa mère
En 1935, il fut victime d'un accident de voiture, alors qu'il revenait d'un séjour au Mexique. Le bilan fut effroyable : son père, au volant du véhicule, fut tué, ainsi que trois autres passagers. Jackie fut le seul survivant de ce drame. Un malheur n'arrivant pas seul, il découvrit peu après qu'il ne pouvait guère profiter de sa fortune.
Sa mère, remariée entre-temps en 1936 avec l'avocat de la famille, un dénommé Arthur L. Bernstein, avait non seulement fait main basse sur son argent. Mais l'avait même dilapidé en manteaux de fourrure, en diamants et autres bijoux, ainsi qu'en voitures coûteuses...
En 1938, Jackie Coogan attaqua sa mère et son beau père devant les tribunaux pour tenter de recouvrer son argent. Ce qui n'a, hélas pour lui, jamais pu être le cas. A l'époque du procès, il n'existait en effet aucun précédent juridique pour un ancien enfant acteur traînant ses propres parents devant le tribunal pour ce type d'abus financier. De quoi être profondément amer.
Après la déduction de ses frais juridiques, il n'a reçu en dédommagement que 126.000 $ sur les 250.000 $ restant de ses revenus. Ruiné, il sollicita même l'aide de Charles Chaplin, qui lui lâcha 1000$ en cash pour parer au plus pressé. Sa mère osa lâcher à la barre du tribunal que "Jackie s'amusait et pensait simplement qu'il jouait devant la caméra. Aucune promesse n'a jamais été faite de donner quoi que ce soit à Jackie"...
Une loi imparfaite pour protéger les enfants artistes
Un an après l'affaire, l'Etat de Californie décida de faire passer une loi, qui sera connue sous le nom du Coogan Act, destinée à empêcher les parents ou tuteurs légaux d'avoir pleinement accès aux revenus d'un enfant artiste.
Si cette loi a eu le mérite d'enfin fixer un cadre juridique, elle était aussi imparfaite et comportait des failles. On a ainsi pu relever d'autres abus ultérieurs, comme la mère de Judy Garland, qui se paya des salaires mirobolants sur les cachets touchés par sa fille, officiellement en tant que chaperonne. Lorsque Shirley Temple, alias "la petite fiancée de l'Amérique", demanda à son père, alors qu'elle était âgée de 22 ans, combien il restait sur son compte en banque, il lui répondit qu'il ne restait que 44.000 $ sur les 3,4 millions $ qu'elle avait touché lorsqu'elle était une enfant star...
Plus proche de nous, en 1995, Macaulay Culkin avait demandé son émancipation pour obtenir le contrôle de sa fortune, alors estimée à 17 millions de dollars, sur fond de bataille acrimonieuse avec ses parents en plein divorce, et qui se disputaient sa garde.
Toujours est-il que le Coogan Act est resté inchangé jusqu'en 2000. Aujourd'hui, la loi stipule que 15 % de la somme de tout ce qu'un jeune acteur - ou mannequin ou doubleur - réalise, doit être mise de côté sur un compte en fiducie qui restera verrouillé jusqu'à l'âge de 18 ans. De plus, cette somme doit provenir du revenu brut de l'artiste, et non de son revenu net, ce qui l'empêche d'être utilisée pour payer par exemple des managers qui prennent souvent la forme de parents.
Une carrière sauvée grâce à la Famille Addams
Après cette affaire, la suite de la carrière de Jackie Coogan s'est révélée compliquée. De 1939 à 1947, il ne tourna dans aucun film, et fut contraint de monter sur scène pour continuer à jouer. En dehors de quelques apparitions cosmétiques dans une poignée d'oeuvres largement oubliées dans les années 50, le salut viendra finalement de la télévision. A partir de 1964, il incarna l'oncle Fétide dans la série TV de la famille Addams, qui connaîtra un énorme succès. Il resta actif jusqu'à sa mort, survenue en 1984, à l'âge de 69 ans.
Sa réconciliation, des années plus tard, avec sa mère et son beau-père après le procès concernant ses revenus, ne l'empêcha pas de donner ce conseil aux futurs enfants stars : "restez loin de vos mères". Parole d'expert.
publié le 22 février, Olivier Pallaruelo, Allociné