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"Son destin a basculé en deux heures" : le réalisateur de The Artist revient sur le douloureux échec de ce film sorti en 2014

© La Petite Reine / La Classe Américaine / Roger Arpajou

Dans le numéro d'avril du magazine Les Années Laser, le réalisateur Michel Hazanavicius se livre à un bel exercice introspectif sur sa filmographie. Et de revenir sur le bien douloureux échec de son film "The Search", sorti en 2014...

A la faveur de la parution en DVD / Blu-ray de son beau film d'animation La plus précieuse des marchandises, le réalisateur Michel Hazanavicius a accepté de porter un regard introspectif sur sa filmographie dans le dernier numéro du magazine les Années Laser. Un exercice d'une grande sincérité, évoquant aussi bien ses débuts, ses succès comme ses échecs.

Parmi eux, une gifle cinglante reçue en 2014, qui a eu la vigueur d'un uppercut. Après le triomphe de The Artist en 2011, suivi de la réalisation d'un segment du film à sketch Les Infidèles en 2012, Michel Hazanavicius signe The Search, dont le récit se déroule durant la seconde guerre de Tchétchénie, en 1999, et raconte le destin croisé de quatre personnages.

"Le choc thermique a été très difficile à encaisser"

Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes, le film est sorti salement cabossé de sa projection presse. L'histoire du festival a beau être aussi jalonnée d'exemples de ce type, ca fait évidemment toujours mal...

"Je suis revenu à Cannes [NDR : après The Artist], et si la séance matinale de presse a été très violente, celle du soir a été très chaleureuse, au point de soulever des applaudissements pendant la projection et d'entraîner une standing ovation finale encore plus longue que pour The Artist. Mais le mal était fait : la réaction bruyamment hostile des journalistes avait tué the Search.

L'idée m'en était venu après les succès consécutifs des deux OSS 117, qui m'avaient donné la possibilité de faire un peu ce que je voulais. J'hésitais entre un film sur la Tchétchénie et un film muet en noir et blanc; et c'est le second que j'ai tourné en premier.

[...] L'oscar reçu pour l'improbable The Artist m'a incité à me lancer dans un projet tout aussi improbable autour d'un conflit dont les protagonistes n'étaient pas occidentaux. Mais pour mettre sur pied un film de guerre, il faut de l'argent, et pour avoir de l'argent, il faut des acteurs connus. Voilà pourquoi j'ai engagé Bérénice Bejo et Annette Bening, quand bien même les vrais protagonistes étaient des Tchétchènes et des Russes.

J'ai tout filmé à hauteur d'homme en Géorgie, en utilisant, vous allez voir l'ironie, le matériel militaire en parfait état, armes, tanks, hélicoptères, laissés sur place par la Russie à l'époque. Avant d'aller à Cannes, tout le monde adorait The Search. Mais il n'était pas assez costaud pour résister à la séance de presse, et son destin a basculé en 2h.

Le rejet qu'il a suscité m'a fait instantanément passer, toutes proportions gardées, de l'Orson Welles de Citizen Kane à Max Pécas, et j'avoue que le choc thermique a été très difficile à encaisser. Quoi qu'on ai pu en dire, je n'ai pas l'impression de m'être trompé sur le sens de l'Histoire, car ce qui se passe aujourd'hui en Ukraine découle directement pour notre plus grand malheur de ce qui est arrivé en Tchétchénie".

Un échec cinglant au box office

Il n'y a hélas pas que la Presse qui n'a pas adhéré à The Search. En France, il n'avait alors attiré que 73.331 spectateurs en salle, tandis que le film fut raboté de 20 min par rapport à la version présentée à Cannes. C'est la pire fréquentation jamais encaissée par le cinéaste. Un échec cuisant et immérité pour ce film qui a coûté 25 millions de dollars, malgré ses défauts, au vu de la volonté de son metteur en scène de sortir de sa zone de confort, et de mettre en lumière une guerre dont beaucoup ont détourné le regard à l'époque.

Envie de découvrir The Search ? Il est disponible en VOD, ainsi qu'en DVD / Blu-ray.

publié le 4 avril, Olivier Pallaruelo, Allociné

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