La série de science-fiction la plus attendue de l'année est enfin là et elle libère le monstre le plus connu de l'histoire du cinéma
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Quarante-six ans après le chef-d'œuvre de Ridley Scott, Noah Hawley ("Fargo", "Legion") s'empare de l'univers "Alien" pour créer la première série de la franchise. Une expérience aussi fascinante que dérangeante, qui arrive aujourd'hui sur Disney+.
© Capture d'écran YouTube
De quoi parle Alien: Earth ?
Alien: Earth revient peupler les cauchemars des fans d'Alien, sous forme de série préquelle. Quand un mystérieux vaisseau spatial, le USCSS Maginot, s'écrase sur Terre après un voyage intersidéral, une jeune femme à la tête d'un groupe de soldats découvre qu'une gigantesque menace pèse sur la planète.
En 2120, la Terre est gouvernée par cinq sociétés : Prodigy, Weyland-Yutani, Lynch, Dynamic et Threshold. Les cyborgs (des humains équipés de membres et d'organes biologiques et artificiels) et les synthétiques (des robots humanoïdes dotés d'une intelligence artificielle) cohabitent avec les humains.
Mais tout change le jour où le jeune PDG de Prodigy Corporation lance un produit révolutionnaire, les hybrides, des robots humanoïdes dotés d'une conscience humaine dont le prototype, Wendy, marque une nouvelle étape dans la course à l'immortalité. Quand le vaisseau spatial de Weyland-Yutani s'écrase sur Prodigy City, Wendy et les autres hybrides découvrent des formes de vie mystérieuses, plus terrifiantes que tout ce qu'on avait pu imaginer.
Alien: Earth, une série créée par Noah Hawley avec Sydney Chandler, Timothy Olyphant, Alex Lawther, Samuel Blenkin, Essie Davis... Épisodes vus : 3 sur 8
C'est avec qui ?
Sydney Chandler (Don't Worry Darling, Sugar) incarne Wendy, l'héroïne hybride au cœur de cette nouvelle saga. Face à elle, l'éternel Timothy Olyphant (Justified, Deadwood) campe Kirsh, un personnage qui évoque immédiatement les anti-héros de Blade Runner.
Le casting, international, est composé d'Alex Lawther (révélation de The End of the F***ing World, Black Mirror) dans le rôle d'Hermit le frère humain de Wendy, Samuel Blenkin (The Witcher: Blood Origin) qui interprète Boy Kavalier, le jeune génie à l'origine des hybrides, et Essie Davis (Miss Fischer enquête, Game of Thrones) en Dame Sylvia, employée de Prodigy.
La distribution compte également Babou Ceesay (Wolfe) en Morrow un cyborg inquiétant, David Rysdahl (Fargo, Oppenheimer) dans le rôle d'Arthur Sylvia, et une pléiade d'autres talents comme Adarsh Gourav (Le Tigre blanc), Jonathan Ajayi (Wonder Woman 1984), Kit Young (Shadow and Bone), Erana James (The Wilds), Lily Newmark (Sex Education), et Sandra Yi Sencindiver (Foundation, La Roue du temps) qui incarne Yutani - l'héritière de la mythique corporation.
Tous ces personnages évoluent dans un monde où les hybrides, ces êtres aux noms tirés de Peter Pan (Wendy, Slightly, Tootles, Curly, Nibs, Smee), questionnent les limites entre humanité et technologie.
Ça vaut le coup d'œil ?
Le défi était colossal : comment créer une héroïne digne de succéder à Ellen Ripley ? Sigourney Weaver avait révolutionné le cinéma en 1979 avec ce personnage de femme forte qui n'avait besoin d'aucun homme pour la sauver. Ripley reste aujourd'hui une figure d'autorité incontestable, symbole d'émancipation féminine et de résistance pure.
Noah Hawley, le créateur de la série, a fait un choix radical : Wendy n'est pas juste une guerrière aguerrie (avec des capacités surhumaines) mais la conscience d'une enfant en phase terminale, transférée dans un corps de synthétique adulte. "Il y a eu quelques inquiétudes à ce sujet avec FX [le diffuseur original, ndlr] au début", confie le créateur à Radio Times. "Je pense que quand on pense aux enfants dans des corps d'adultes, on pense à Will Ferrell. Mais les enfants sont en fait assez gracieux, nobles et réfléchis."
Cette approche déstabilisante interroge notre rapport à l'humanité : qu'est-ce qui nous définit vraiment ? L'enveloppe corporelle ou la conscience qui l'habite ? Là où Ripley incarnait la survie par la force, Wendy questionne l'existence par la vulnérabilité. C'est philosophiquement vertigineux et narrativement risqué.
Une série qui ne peut pas être un film
Hawley l'explique parfaitement à Radio Times : "Fondamentalement, un film Alien est une histoire de survie de deux heures dans laquelle une ou deux personnes vont vivre. Et une série télévisée ne peut pas être ça." Il fallait donc repenser l'ADN de la franchise pour l'adapter au format sériel.
Le créateur a d'abord construit son histoire sans les xénomorphes, créant un récit autonome avant de réintroduire les créatures emblématiques. Le résultat ? Une œuvre qui conserve l'horreur et l'angoisse des films tout en développant une mythologie complexe sur plusieurs heures.
Une esthétique au double visage : quand 1979 rencontre 2120
Les trente premières minutes du pilote sont un véritable tour de force. À bord du USCSS Maginot, on se croirait dans le film secret que Ridley Scott aurait tourné en parallèle du premier Alien. La reproduction du vaisseau est d'un réalisme saisissant, le grain de l'image identique à celui de 1979. Même les acteurs semblent sortir tout droit des années 70, par leur physique et leur allure.
Cette fidélité n'est pas du fétichisme : c'est un choix artistique fort. Comme l'explique le chef décorateur Andy Nicholson dans le dossier de presse de la série : "Nous avons regardé le futur tel qu'il était perçu en 1979 par l'artiste qui l'avait imaginé à l'époque et nous avons pris cela comme base." Un rétro-futurisme assumé qui fonctionne parfaitement.
Quand l'action se déplace sur Terre, la série assume un style différent, évoquant immédiatement Blade Runner - notamment avec le personnage de Timothy Olyphant qui déambule avec ses cheveux blancs peroxydés et son âme de robot qui trahit parfois des humeurs.
Un miroir de nos angoisses contemporaines
Alien: Earth ne se contente pas de ressusciter des monstres emblématiques. La série dresse un portrait glaçant de 2120 où cinq méga-corporations (Prodigy, Weyland-Yutani, Lynch, Dynamic et Threshold) se partagent le contrôle de la Terre.
Boy Kavalier, le jeune PDG de Prodigy interprété par Samuel Blenkin, évoque irrésistiblement les Mark Zuckerberg de notre époque : un génie au QI hors normes mais à l'intelligence émotionnelle quasi-nulle, capable de révolutionner le monde sans en mesurer les conséquences morales.
La série interroge nos rapports à la technologie et à l'intelligence artificielle avec une acuité troublante. Que se passe-t-il quand la conscience humaine devient transférable ? Quand la mort n'est plus définitive ? Ces questions résonnent d'autant plus fort à l'heure où l'IA commence à questionner notre propre rapport à l'humanité.
Un terrain de jeu fascinant mais dense
Sur les trois premiers épisodes qu'on a vus, Alien: Earth pose énormément de questions - peut-être trop. L'univers est d'une richesse folle, les enjeux philosophiques vertigineux, les références multiples. On sent parfois que Noah Hawley déborde d'idées, il multiplie les pistes de réflexion au risque de perdre certains spectateurs en route.
Mais c'est aussi ce qui rend la série passionnante : elle ne se contente pas de recycler une franchise culte, elle la réinvente complètement. Entre horreur viscérale, anticipation politique et questionnements existentiels, Alien: Earth propose un cocktail hybride, comme son héroïne, qui mérite qu'on s'y plonge, quitte à se perdre dans ses méandres narratifs.
Alien: Earth est disponible sur Disney+ depuis le 13 août, avec les deux premiers épisodes. Un nouvel épisode chaque mercredi.
publié le 13 août, Emilie Semiramoth, Allociné