Actus people

Micheline Dax voulait donner son corps à la science mais la dernière volonté de la comédienne a été bafouée...

Micheline Dax nous a quittés il y a bientôt dix ans après une longue vie bien remplie. Micheline Dax pose lors de la cérémonie au cours de laquelle elle a été faite chevalier avec la médaille de Commandeur de l'Ordre des Arts et des Lettres par la ministre française de la Culture Christine Albanel dans son ministère à Paris, France. Photo Giancarlo Gorassini/ABACAPRESS.COM - © Abaca, Gorassini Giancarlo/ABACA

Ce 3 mars 2025, la comédienne aurait eu 101 ans. Disparue en 2014, Micheline Dax est devenue, malgré elle, la protagoniste de la sordide affaire du Centre du don des corps de l'université Paris-Descartes. Les juges d'instruction viennent de terminer leurs investigations, laissant espérer un rapide procès.

De son vivant, Micheline Dax était aimée du public pour son inaltérable bonne humeur et ses apparitions dans l'émission L'Académie des neuf, au cours des années 1980 sur Antenne 2 (ancien nom de France 2). Doubleuse, comédienne ou chanteuse, ses dons étaient multiples. Sur le petit écran, on se souvient qu'elle prêta sa voix à la vache Azalée dans Le Manège enchanté (1966) et à Miss Piggy dans la fameuse série du Muppet Show (1977-1981) : "Savez-vous qu'on m'a appelée en me demandant si je voulais doubler une grosse cochonne folle de son corps ? J'ai dit oui tout de suite, pardi ! Nous doublions une dizaine de voix chacun et réécrivions les textes. Et je ne faisais pas que les voix de femmes ! Ce fut une expérience incroyable... " Même le musicien William Sheller craqua pour la Parisienne quand il lui composa un Aria Dax, pour mettre en valeur ses talents de siffleuse en 1995.

A la fin de sa carrière, Micheline perdit progressivement la vue et avait du mal à mémoriser de nouveaux textes. Elle fut pourtant l'une des actrices jouant, à Paris en 2005, dans les Monologues du Vagin (1996) d'Eve Ensler. Car, la dame était plus complexe qu'elle n'y paraissait. En 2000, après une lecture publique d'Arthur Schnitzler, elle s'était effondrée en larmes : "Personne ne m'a jamais demandé de lire ou d'incarner un personnage aussi dramatique. Il a fallu que j'atteigne 75 ans." Celle qui publia son autobiographie sous le titre Je suis gugusse (Plon, 1985) "n'était pas du tout sûre d'elle", selon Véronique Lafond, sa fille. "C'était une femme torturée, jamais en paix, qui se dépréciait tout le temps, révélait-elle en 2020 dans Paris Match. Elle se rêvait tragédienne et, selon elle, elle n'était qu'une saltimbanque ! Elle ne parlait pas de cette décision aux proches. Elle était discrète." Discrète au point d'avoir gardé ses dernières volontés secrètes jusqu'au bout ou presque.

"Elle a réellement lâché le morceau trois ans avant sa mort, expliquait Véronique Lafond. Elle avait un pace maker, et, une nuit, elle ne se sentait pas bien alors à deux heures du matin, elle a fait venir mon mari à son chevet : "J'ai décidé de donner mon corps à la science, j'ai une carte de donneur et vous vous organiserez avec la maison de retraite." En vérité, Micheline Dax a toujours voulu donner son corps à la science et en parlait volontiers autour d'elle. Mais sur le ton de la plaisanterie. Sa maxime était : "Au moins là, je servirai à quelque chose." Elle pensait être disséquée pour les progrès de la science mais, disait-elle : "À l'âge que j'ai, que vont-ils pouvoir faire de moi ?" Quelques jours après son décès, le 27 avril 20141 à Roinville-sous-Dourdan (Essonne), la dépouille de l'artiste est donc léguée au Centre du don des corps (CDC) de la rue des Saints-Pères, à Paris. Un organisme dépendant de l'université Paris-Descartes. "Après le départ de son corps, je n'ai pas eu de nouvelles de Paris Descartes, se souvenait sa fille. J'ai su qu'elle avait été incinérée en août après avoir dû beaucoup insisté. 'On vous appellera si on a le temps' m'avait-on dit. Je ne sais pas quand elle a été incinérée." C'est plus de cinq ans après, qu'éclate le scandale du CDC.

Qu'est-il arrivé au corps de Micheline Dax ?A la fin de l'année 2019, L'Express révèle que les corps y sont, depuis des années, "conservés" dans des conditions indignes, dans les chambres froides insalubres et non hermétiques. Le plus grand centre anatomique de France, créé en 1953, est hanté par des odeurs de putréfaction, des corps démembrés et inutilisés, des pannes d'électricité, des incinérations de masse, une prolifération de mouches, de vers et de rats... L'enquête de l'hebdomadaire assure notamment que l'université fait payer des entreprises privées souhaitant utiliser des pièces anatomiques pour effectuer des recherches, comme des crash-tests pour les habitacles des voitures.

Ces révélations poussent le ministère de l'enseignement supérieur à fermer provisoirement le CDC et à diligenter une inspection. Le 29 novembre 2019, le pôle santé du parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour "atteinte à l'intégrité d'un cadavre". Les policiers de la brigade de répression de la délinquance contre la personne cherchent à déterminer la part de responsabilité des dirigeants successifs de Paris-Descartes et du CDC, qui défilent dans leurs locaux. L'ancien président et deux préparateurs sont mis en examen. De son côté, la fille de Micheline Dax porte plainte et rejoint le collectif créé par les proches.

"Nous sommes 35 familles à avoir déposé une plainte aujourd'hui, mais d'autres nous rejoignent, note alors Véronique dans Paris Match. Ma mère était une femme très pudique. Je n'imagine pas sa tête si elle avait su qu'elle allait se retrouver mélangée à d'autres corps, abîmés ! J'ai décidé de porter plainte avec les autres familles concernées car j'estime que la volonté de ma mère n'a pas été respectée : c'était un charnier et une boucherie, rien à voir avec la noblesse du geste. Il y a là un manque de respect total pour le défunt et ses proches. Nous avons été trompés. Il faut que des têtes tombent dans cette histoire. C'est le cas de le dire." Six longues années après ce dépôt de plainte, les juges d'instruction parisiens enquêtant sur l'affaire ont terminé, vendredi 21 février dernier, leurs investigations, Les parties vont maintenant faire leurs observations, le parquet prendre ses réquisitions et les magistrats instructeurs décideront du renvoi, ou non, des personnes poursuivies. Pour que, enfin, la vérité sur le sort du corps de Micheline Dax soit connue.

publié le 3 mars, Lucie Gosselin , Purepeople

Liens commerciaux