"La ministre de la Culture cristallise la colère" : Les syndicats de Radio France et France Télévisions appellent à une grève illimitée après la "dérive trumpiste" de Rachida Dati et son projet de holding

"C'est déshonorant" : Tensions en direct entre Rachida Dati et Patrick Cohen dans "C à vous", Anne-Elisabeth Lemoine obligée d'intervenir - © France 5
Face au projet controversé de holding France Médias et aux attaques répétées de Rachida Dati contre des journalistes, les syndicats de Radio France et France Télévisions appellent à une grève illimitée. Dans leur viseur : une réforme jugée destructrice et une ministre accusée d'atteinte à l'indépendance de l'information.
Le bras de fer s'annonce d'ampleur. Les syndicats de l'audiovisuel public s'apprêtent à rentrer en grève, ont-ils annoncé ce vendredi 20 juin. En ligne de mire : le projet gouvernemental de création d'une holding, "France Médias", censée regrouper les grandes entités du secteur. Cinq syndicats de France Télévisions - la CGT, la CFDT, FO, le SNJ et SUD - appellent ainsi à une grève illimitée à partir du 30 juin pour protester contre le projet de réforme de la gouvernance de l'audiovisuel public.
"Un bricolage au service d'une seule chose : l'ambition personnelle d'une ministre"Selon eux, cette réforme, couplée à des baisses budgétaires déjà entamées, menace profondément l'avenir du service public. Dans un communiqué commun, ils dénoncent une atteinte à l'indépendance éditoriale, la remise en cause des effectifs, des accords collectifs, ainsi qu'une politique d'externalisation qu'ils rejettent. Ils espèrent ainsi "faire plier le gouvernement". À Radio France, une mobilisation similaire est annoncée dès le 26 juin.
"Ce projet de réforme de la gouvernance de l'audiovisuel public et les baisses budgétaires associées qui ont déjà démarré auront de graves conséquences s'il est adopté" estiment dans un autre communiqué commun, six syndicats de Radio France (CFDT, CGT, FO, SNJ, Sud, Unsa). "On démarre dès le 26, parce qu'on a des revendications qui visent aussi différents projets de notre direction, et pas seulement le gouvernement et la holding", explique Lionel Thompson, du SNJ-CGT, à "L'Humanité".
Porté par la ministre de la Culture Rachida Dati, le projet sera examiné à l'Assemblée nationale les 30 juin et 1er juillet, après avoir été mis en pause par la dissolution de 2024. Il prévoit la création d'une holding regroupant France Télévisions, Radio France et l'INA sous une même direction, écartant finalement France Médias Monde du périmètre. Le gouvernement défend ce texte au nom d'une meilleure coordination, mais les syndicats y voient une concentration dangereuse, synonyme de perte d'autonomie et de fragilisation du service public.
"Projet de holding en juin 2024, processus holding-fusion en novembre, holding exécutive en avril 2025... Et maintenant ? Cela est la preuve d'un bricolage au service d'une seule chose : l'ambition personnelle d'une ministre, à mille lieues des intérêts des entreprises de l'Audiovisuel Public et de ses salarié·es", dénoncent les syndicats de France Télévisions. Car cette mobilisation dépasse la seule réforme structurelle. C'est désormais la figure de la ministre de la Culture, qui cristallise la colère. En cause : ses prises de parole jugées menaçantes à l'encontre de journalistes et son comportement qualifié de "dérive trumpiste" par la CGT de France Télévisions dans un second communiqué.
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L'élément déclencheur : ses propos menaçants à l'encontre de Patrick Cohen, dans "C à Vous" ce 18 juin. Interrogée sur les révélations de "Complément d'enquête" par le journaliste - qui a par ailleurs affiché sa méfiance envers le projet de holding sur France Inter -, la ministre a contre-attaqué avec virulence : "Il y a une enquête 'Médiapart' qui vous a mis en cause pour harcèlement, management toxique. Est-ce que c'est vrai, monsieur Cohen ? (...) Vous pourriez tomber pour ce délit. Il suffirait que je fasse un article 40 (...) Je peux saisir le tribunal".
La CGT appelle le gouvernement "à retirer Rachida Dati de la gestion de l'audiovisuel public""Ce dérapage n'a rien d'un accident", alerte le syndicat. Il rappelle que ce n'est pas la première fois que la ministre s'en prend violemment à des journalistes : "Rachida Dati avait déjà par le passé lancé à Élise Lucet un 'ma pauvre fille, votre carrière est pathétique' et diffamé les journalistes de 'Complément d'Enquête 'en les traitant de voyous et en les accusant de monnayer leurs interviews, sans la moindre preuve." Un comportement jugé symptomatique d'une méthode bien rodée : "intimidation, discrédit, menaces à peine voilées. Qu'importent les faits, qu'importent les preuves. Quand elle est en difficulté, elle cogne. C'est tout ce qu'elle sait faire."
Le syndicat souligne également que l'examen de la loi a déjà été interrompu à l'Assemblée après que la ministre a malmené une fonctionnaire. Et de s'interroger : "Et malgré tout cela, c'est elle qui tient entre les mains l'avenir de l'audiovisuel public ?" Dans ce contexte, la CGT appelle "solennellement François Bayrou, et le président de la République, Emmanuel Macron, à retirer Rachida Dati de la gestion de l'audiovisuel public".
Ce jeudi, la Société des journalistes (SDJ) de France Télévisions avait déjà publié un communiqué dénonçant déjà une série d'attaques ciblées contre les journalistes de "Complément d'Enquête", à la suite d'un reportage accablant diffusé le 5 juin sur France 2. L'enquête révélait notamment que Rachida Dati aurait perçu 299.000 euros d'honoraires du cabinet STC, lié à GDF Suez, sans le déclarer au Parlement européen.
Durant le tournage, les équipes ont été prises à partie. Rachida Dati a en effet traité les journalistes de "voyous" et accusé à tort l'équipe d'avoir payé pour obtenir des témoignages. Une conseillère spéciale de la ministre aurait même frappé une caméra à Perpignan. "Une agression inacceptable de la part d'une élue", dénonce la SDJ, qui évoque aussi des "pressions sur la direction de France Télévisions" pour faire annuler la diffusion du reportage.
publié le 20 juin, Bruna Fernandez , Puremédias