"On n'a pas pu travailler pendant trois jours" : Pointés du doigt dans un article de "Libération", Charles et Philippine, le couple de "Top Chef", répondent aux accusations de sexisme

L'élimination de Philippine le 14 mai, avant son compagnon Charles, placé dans une autre brigade et accusé de sexisme dans "Top Chef" - © M6
Le duo Philippine et Charles, candidats de la saison 16 de "Top Chef", est au cœur d'une polémique depuis la parution d'un article dénonçant une "dynamique sexiste" au sein du couple. Les deux chefs sortent du silence et livrent leur version des faits.
Depuis le lancement de la 16e saison de "Top Chef", Philippine Jaillet et Charles Neyers, couple à la ville et candidats dans l'émission, ne laissent pas indifférents. Leur relation, exposée par les caméras de M6, a rapidement attiré l'attention des internautes. Certains y ont vu une dynamique déséquilibrée, dénonçant notamment l'attitude "macho" de Charles, souvent jugé froid ou peu impliqué émotionnellement dans le duo. Une lecture que "Libération" a relayée dans un billet tranchant publié le 15 mai, après l'élimination de Philippine, intitulé : "Top Chef : entre Philippine et Charles, une dynamique genrée et sexiste qui nous reste en travers de la gorge".
"Le montage de 'Top Chef' est pour moi déjà une interprétation"L'article d'opinion décrit un couple inégal : lui, "adepte d'une attitude macho irritante et symptomatique d'un milieu hostile aux femmes", elle, "toujours impeccable et poétique", souvent contrainte de soutenir son compagnon placé dans une autre brigade, et semblant lui déterminé à ne pas se faire éliminer avant elle. "Même les chefs jurés l'ont bien remarqué", cite "Libé", en s'appuyant sur une remarque de la cheffe Stéphanie Le Quellec : "Elle a besoin de se libérer et de sortir du carcan du couple." L'autrice pousse la critique jusqu'à écrire : "Peut-être viendrons-nous dans (leur) restaurant, un jour où Charles se sera absenté, de préférence."
Des critiques qui leur ont valu une avalanche de commentaires négatifs en ligne. Ce mardi, les deux chefs ont décidé de réagir dans un entretien vidéo accordé à Franceinfo depuis leur restaurant parisien Le Boréal. "Quand on est en cuisine ouverte à sourire et qu'au fond, ça ne va pas parce qu'on a peur de sortir dans la rue, on ne sait pas pourquoi d'ailleurs, c'est très compliqué", confie Charles. "Tous nos proches tombent des nues sur ce qu'il y avait dans 'Libé' et ce qu'il y avait sur les réseaux", complète Philippine.
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Pour la cheffe, ce sont aussi les choix éditoriaux du programme de M6 qui posent question : "Le montage de 'Top Chef' est pour moi déjà une interprétation. On n'a aucun contrôle là-dessus. Le montage fait que Charles...", "Je prends plus de place" ajoute-t-il en finissant sa phrase. "Je suis exactement pareille", poursuit-elle. "Moi aussi, je suis compétitrice". "Il ne faut pas oublier que 'Top Chef', c'est la télé-réalité aussi. Donc, il y a des personnages", analyse son compagnon.
"Sur le tournage, quand on me demande 'c'est qui le chef ?' et que Charles dit 'c'est moi', ou moi je dis 'c'est moi', on ne se dit pas le soir, 'ah là là, mais ce matin, t'as dit que c'était toi le chef'. C'est absurde", ajoute Philippine. "En fait, cette question, c'était futile. Il n'y a pas de chef. On décide tous les deux, on fait tout à deux. C'est notre resto à deux", confirme Charles. Philippine elle, assure être tout aussi piquante que son compagnon : "Le pire, c'était que je pense que je t'envoyais des piques qu'on a pas montrés. Je suis une 'red flag' aussi", sourit-elle.
"On a voulu me mettre dans une place de victime"La cheffe dénonce aussi une invisibilisation de sa parole de femme, pourtant censée être mise en avant, alors que "Libération" ne l'a jamais contactée avant de publier le papier, un billet critique s'appuyant uniquement sur le visionnage du programme. "Ils me confortent dans cette place de victime, dans laquelle on a voulu me mettre dans cet article. Me donner comme ça, en pâture, sans nous concerter, sans nous demander notre avis, et surtout sans avoir aucune idée de ce qu'on est vraiment. Moi en tant que femme, je me dis que c'est vraiment remettre une pièce dans cette machine qui est déjà compliquée à gérer", dénonce-t-elle.
Le 23 mai, après son élimination et la publication de l'article, Philippe avait déjà publié un long message diffusé en plusieurs stories sur son compte Instagram : "Ce texte m'a profondément choquée. Il instrumentalise ma relation personnelle et professionnelle avec mon compagnon Charles Neyers en projetant sur nous une lecture simpliste et réductrice, totalement déconnectée de notre réalité", écrivait-elle.
Il faut dire que cette affaire ne surgit pas de nulle part. Depuis plusieurs années, la parole se libère dans le monde de la gastronomie. Sous l'impulsion du mouvement #MeToo, des cheffes, des élèves d'écoles hôtelières et des employées de cuisine dénoncent un milieu souvent sexiste, brutal, hiérarchisé à l'extrême. En témoigne le compte Instagram @jedisnonchef, ou encore l'ouvrage "Violences en cuisine : une omerta à la française" de la journaliste Nora Bouazzouni, sorti ce 21 mai, qui dresse un état des lieux glaçant du secteur. Dans son message sur Instagram, Philippine ne nie pas ces réalités : "Oui, il faut en parler. Mais ce débat mérite du temps, du sérieux, de la nuance et surtout du respect. Il ne peut se faire en effaçant les personnes concernées."
Dans la vidéo de Franceinfo, la cheffe souligne également l'impact concret de cette exposition médiatique : "Sur notre resto, on a eu des avis Google hyper négatifs de gens qui ne sont jamais venus dîner. Ça a un impact, les gens ne se rendent pas compte". "C'est tellement douloureux", soupire Charles. "On n'a pas pu travailler et cuisiner pendant trois jours. On a un sentiment d'injustice parce qu'on ne peut rien faire, on est complètement impuissant. Donc on subit. Dans quelque chose qui devait être que du positif, il y a ce sentiment amer qui vient gâcher un peu la fête", se désole-t-il. "Même moi, je me dis de temps en temps : 'Est-ce que je suis vraiment... ?'. On se remet en question, on culpabilise. On ne regarde pas d'ailleurs. Moi, je n'arrive pas à me voir à l'écran. J'interprétais tout. On devient complètement parano."
Le couple, qui dit n'avoir regardé que le premier épisode de la saison, explique être "extrêmement solide" et déterminé à faire front. "Heureusement qu'on réussit à faire face à tout ça. On a eu une vague de messages de soutien qui nous ont réchauffé le cœur", reconnaît Philippine. "Les chefs (présents dans le programme, ndlr) nous disaient : 'N'arrêtez pas, faites votre route, vous savez ce que vous valez'", ajoute Charles. Aujourd'hui, Philippine et Charles tentent surtout de garder le cap : "On se dit chaque jour que ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts. Et qu'on va faire des belles choses ensemble", conclut-elle. "Aller vers l'avant, et ça ira mieux", espère Charles.
publié le 4 juin, Bruna Fernandez , Puremédias